Deux extraits du livre « Eclipse d’étoile » de Nelly Sachs, choisis par Jacqueline Merville. Traduction de Mireille Gansel et version originale.
TOUJOURS
là où meurent des enfants
les choses les plus ténues deviennent apatrides.
Le manteau de douleur des couchants
dans lequel l’âme sombre du merle
accuse la nuit –
de petits vents soufflent sur les herbes tremblantes
éteignant les décombres de lumière
et semant l’agonie –
Toujours
là où meurent des enfants
se consument les visages de feu
de la nuit, solitaire dans son secret –
et qui sait quelque chose de ceux qui montrent le chemin
et que la mort envoie :
senteur de l’arbre de vie,
cri du coq qui écourte le jour,
horloge ensorcelée par les sortilèges
de l’effroi automnal jusqu’au fond des chambres d’enfants –
aux rives de l’obscurité battement des eaux
murmure et passage du sommeil des temps –
Toujours
là où meurent des enfants
les miroirs des maisons de poupées
se voilent d’un souffle,
ne voient plus la danse des doigts lilliputiens
vêtus de satin sang-d’enfants ;
danse qui s’immobilise
comme dans une longue-vue
un monde à des distances lunaires.
Toujours
là où meurent des enfants
pierre et étoile
et tant de rêves
deviennent apatrides.
IMMER
dort wo Kinder sterben
werden die leisesten Dinge heimatlos.
Der Schmerzensmantel der Abendröte
darin die dunkle Seele der Amsel
die Nacht heranklagt –
kleine Winde über zitternde Gräser hinwehend
die Trümmer des Lichtes verlöschend
und Sterben säend –
Immer
dort wo Kinder sterben
verbrennen die Feuergesichter
der Nacht, einsam in ihrem Geheimnis –
Und wer weiß von den Wegweisern
die der Tod ausschickt:
Geruch des Lebensbaumes,
Hahnenschrei der den Tag verkürzt
Zauberuhr vom Grauen des Herbstes
in die Kinderstuben hinein verwunschen –
Spülen der Wasser an die Ufer des Dunkels
rauschender, ziehender Schlaf der Zeit –
Immer
dort wo Kinder sterben
verhängen sich die Spiegel der Puppenhäuser
mit einem Hauch,
sehen nicht mehr den Tanz der Fingerliliputaner
in Kinderblutatlas gekleidet;
Tanz der stille steht
wie eine im Fernglas
mondentrückte Welt.
Immer
dort wo Kinder sterben
werden Stein und Stern
und so viele Träume
heimatlos.
A écouter ici (en allemand)
NOUS LES MÈRES,
venons chercher
des semences de nostalgie du fond de la nuit océane,
sommes celles qui viennent chercher
les trésors dissipés.
Nous les mères
errant rêveuses
avec les astres,
les marées d’hier et de demain
nous laissent
avec notre naissance
comme avec une île
seules.
Nous les mères
qui disons à la mort :
Éclos dans notre sang.
Nous qui apportons du sable aux berges d’amour
et aux étoiles un monde de reflets –
Nous les mères,
qui dans les berceaux
berçons les souvenirs crépusculaires
du jour de la création –
la respiration
est la mélodie de notre chant d’amour.
Nous les mères
berçons au cœur du monde
la mélodie de la paix.
WIR MÜTTER,
Sehnsuchtssamen aus Meeresnacht
holen wir heim,
Heimholerinnen sind wir
von verstreutem Gut.
Wir Mütter,
träumerisch mit den Gestirnen wandelnd,
lassen uns die Fluten
von Gestern und Morgen,
mit unser Geburt
wie mit einer Insel
allein.
Wir Mütter
die wir zum Tode sagen:
Blühe auf in unserem Blut.
Die wir Sand zum Lieben bringen
und den Sternen eine spiegelnde Welt –
Wir Mütter,
die wir in den Wiegen
die dämmernden Erinnerungen
des Schöpfungstages wiegen –
des Atemzuges Auf und Ab
ist unseres Liebessanges Melodie.
Wir Mütter
wiegen in das Herz der Welt
die Friedensmelodie.
Nelly Sachs, « Eclipse d‘Etoile », deux poèmes extraits de « Survivants », traduction Mireille Gansel, Éditions Verdier, 1999, pp. 104 et 105.
Contribution de Jacqueline Merville