Trois grandes pages de “Verger, etc…” de Pascal Commère

Pascal Commère vient de publier Verger, etc … aux éditions Fata Morgana.


Verger, dis-tu.

Certes je m’en tiens à ce qui est. Mais qu’est ce qui est ?

Ne pas en faire une histoire toutefois, ni même un semblant de. Un pré moins encore. Rien à fabriquer de ce côté-là.

Maison en bordure du village. Accrochées au portail deux boîtes aux lettres, un écriteau sur chacune. « Ne rien mettre dans cette boîte, il y a un nid à l’intérieur » sur l’une, sur l’autre : « Interdit aux oiseaux ».

L’herbe, ils ne l’aiment que parquée.

Une voiture secoue la nappe de ses phares dans la nuit.

les aubépines en fleurs, les yeux des chats…
La nuit de partout est en feu.

Le poème. Pour soi, un temps au moins, rien que pour soi.

Deux pétales blancs sur ma table ce matin.
Je n’ose plus bouger.

Poème. Pêche à la ligne. Sans carte, tenter d’en accrocher les reflets, le dos de la rivière fourmille.

De la vieille je me rappelle la poire qu’elle me tendait, une poire dite « de moisson », la queue longue. Elle y ajoutait toujours un morceau de sucre qu’elle tirait, comme la poire, d’une des poches de son tablier. Je n’ai pas d’autres souvenirs, si ce n’est peut-être la couleur de terre de ses mains, leurs ongles sales. Parlait-elle ? Je ne sais plus, deux ou trois mots peut-être. Seul me reste l’étrange malaise que je ressentais lorsque, chargé par ma mère de porter une lettre à la poste, elle sortait de sa bicoque coincée dans l’ombre de la ruelle, me faisait signe. Venait l’offrande, toujours la même. Gêné, je remerciais avant de presser le pas. Ce n’est que plus loin, alors qu’elle ne me voyait plus – du moins je le croyais – que je jetais dans les orties le sucre et la poire qui tant me dégoûtaient.

Vladimir Holan, interdit de publication pendant des années, refusant de se rendre à la cérémonie de remise du Grand Prix national de poésie qui lui était décerné, au motif qu’il n’avais pas de chaussures…

Papillons au ras des prés. Convalescence du jaune.

Ce qu’une couleur nous dit, sans jamais se poser.
Le vert est moins instable, a besoin de racines.

Le poème. Lettre à soi-même.

Pascal Commère, Verger, etc…, notes buissonnières, monotypes de Joël Leick, Fata Morgana, 2022, 64 p., 14€, pp. 14-16

Pascal Commère (né le 17 décembre 1951 à Semur-en-Auxois en Bourgogne) est un écrivain et poète français. Il réside en Côte d’Or.