Sonja vom Brocke, un dossier de traduction de Jean-René Lassalle. [Les traductions]


Un nouveau dossier de traductions inédites, composé pour Poesibao par Jean-René Lassalle, autour de la poète allemande Sonja vom Brocke.


Le Luxe

en trompe et ossements sténos
un’ Lunatica bricolée

; c’est dans le seul vocabulaire que Le Luxe de Bräus livrait le lait pour
un siècle végane où des insectes de clavier parcouraient en stop les villes mondiales

excava forme pyramidale complète avec as balafré, palatal et soleils perfides
une tombe à Léthé

les yeux en roues de moulin de Lunatica examinaient les ours du réel, comment
pouvaient-ils tenir debout dans le val aux embruns de l’idée toxique
sur les gazes hygiéniques de fœtus triés ?

Après les guerres hiéroglyphiques, le baiser d’un grizzly de contrebande

Source : Sonja vom Brocke : Venice singt, kookbooks 2015. Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle


Le Luxe

aus Stenorüssel und -gebein
ne Lunatika geleimt

; nur in Vokabeln lieferte Le Luxe von Bräuns die Milch für ein
veganes Jahrzehnt, in dem Tastaturen — Insekten durch Weltstädte trampten

schaufelte Pyramidales, samt narbigen As, Gaumen und tückischen Sonnen
ein Lethegrab

die Räderaugen Lunatikas erwogen Bären der Realität, wie
aber sollten sie aufrecht stehen, im Gischttal der Giftidee
auf dem Hygienemull aussortierter Föten?

Nach Hieroglyphenkriegen der Kuss eines geschmuggelten Grizzlys

Source : Sonja vom Brocke : Venice singt, kookbooks 2015.

*

Festin furieux du sonar

« suis cloisonnée – et eux fabulent »

empile les chauves-souris en grumeaux de colère
mâche pourpoints de cuir et muscles en travaux
encastre-toi dans les cardiaques
et nervurées strangulations, un sexe-machine
strangulant nerf cardiaque, calibré.

Naturellement calibré ! et perdant les esprits
chez les microfabulateurs en la cour de la mort
bâfre dans les floches, des hermaphrodites secs, à croûte…

mords dans l’écume. Ha.
Déguste…

Source : Sonja vom Brocke : Venice singt, kookbooks 2015. Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle


Echolots Zornesmahl

»ich bin verschalt – und sie gaukeln«

raffst die Fledermäuse zu Wutklumpen
kaust auf Lederwämsern, Arbeitsmuskeln
zwängst dich ein in die Herz-
und Nervstrangulierer, ein Herznervstrangulier-
maschinengeschlecht, geeicht.

Natürlich geeicht! Und von allen guten Geistern
bei den Minigauklern im Todhof gelassen
speist in Quasten, getrocknete Zwitter, Krust- –


beißt in Schaum. Ach.
Nippels ab …

Source : Sonja vom Brocke : Venice singt, kookbooks 2015.

*

Cordée humaine hache prosimienne

Nous dérivons
hydratant la température de nymphes
conquérons une faible végétalisation

un nom calcifié en son moulage
l’articulation de la hanche dans la pluie d’or !
Œuf somnolent qui tictaque.

Se pourrait-il, femme, ainsi que nous les autres effaceurs
qu’alertes et ralentis conjointement
nous abordions les malédictions.
Recueillons dans la poche du tablier cet éparpillement
de paillettes informes

elles cèderont
nicheront amoureusement
insérant épuisées dans le flegme
encore emplies d’un éther brouillé de venin céleste
solitaires et à l’unisson, leur souci.

Qui nous aidera dans des temps plus cruels.
Pénétrant, plus soft vers une permanence.

Cependant que fonçant à travers le cosmos
des chœurs de frénétiques adolescentes
se figent d’effroi aveuglées
devant le soleil – plus brillant que pensaient –
et devant leur soi.

Les carbonisées. Dessaisissent encore en tentacules
puis envoient des signaux à leurs proches
et se tapotent messages entre elles :
hippocampe, hé hippocampe,
peut-être que cette incandescence était
une autre manière de récupération

Source : Sonja vom Brocke : Venice singt, kookbooks 2015. Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle


Menschenseilschaft Halbaffenbeil

Wir entgleiten
begießen die Nymphentemperatur
erobern schwaches Gewächs

ein verkalktes Nomen im Abguss
die Hüftgelenke auf
    Talerregen!
Ein schläfriges, tickendes Ei.

Dass du, Frau, und wir anderen Radierer
regsam und in Zeitlupe zugleich
den Flüchen begegnen.
Sammeln wir in der Kitteltasche zerstreute
stummelige Plättchen

sie werden nachgeben
liebend nisten
erschöpft und in Phlegma legen
himmelsgiftwirren Äthers noch voll
allein und in eins, ihre Sorge.

Sie wird uns helfen in ärgerer Zeit.
Gedrungen, softer zur Dauer.

Durchs All jagen indessen
hitzige Teeniechöre
erstarren blindlings im Schreck
vor der Sonne – sie ist heller, als man denkt! –
und sich selbst.

Die Verkohlten. Entheben noch zu Tentakeln
dann winken sie ihren Verwandten
und tippen einander zu:
Seepferdchen, Seepferdchen, du
eventuell war die Glut
eine andere Art des Abholens

Source : Sonja vom Brocke : Venice singt, kookbooks 2015.

***

Sonja vom Brocke
Sonja vom Brocke est une poète allemande née en 1980 qui habite à Berlin. Ses poèmes traduisent un réel anthropocène actuel plutôt menaçant dans des scènes oniriques composés de mots polysémiques avec des tonalités sensuelle ou incisive. Un lyrisme distancié est ponctué de petites constructions hermétiques où des métamorphoses opèrent : un « je » peut devenir insecte à trompe, bouillie dans un cocon ou ellébore toxique. Sonja vom Brocke est aussi traductrice de textes sur l’art (par exemple sur la culture glam anglaise) et co-éditrice avec Dagmara Kraus d’un dossier sur l’écrivaine expérimentale Marianne Fritz (dans la revue Schreibheft). Dans un entretien Sonja vom Brocke dit sur sa propre poésie : « Je tente de me créer une clarté dans le chaos qui m’entoure. »


Bibliographie sélective
Ohne Tiere, H+K 2010
Venice singt, kook 2015
Düngerkind, Engstler 2018
Mush, kook 2020


Sitographie
Écouter Sonja vom Brocke lire en allemand Le Luxe sur l’audiothèque Lyrikline

Vidéo du festival international de poésie de Rotterdam où Sonja vom Brocke lit deux poèmes en 3 minutes (avancer le curseur jusqu’à 1h21), en allemand  avec sous-titres anglais

Un morceau de musique électro d’Andreas Reihse avec la voix de Sonja vom Brocke disant « Echolots Zornesmahl »