Raluca Maria Hanea, poète de langue française, originaire de Transylvanie et publiée par Unes, nous a confié ces poèmes inédits.
Le ciel nous brûle
Un mort récent en remplace un autre
écran ne le reste pas longtemps.
Ne faisant plus d’effort
des bustes d’hommes accoudés
font une enfilade de gestes figés
et les pensées n’ont pas d’appui.
Quand les oiseaux sont choqués dit-on qu’ils restent sans chant ?
*
À cet endroit d’insister
le moindre monde vous fabrique en regard
la pierre vous remplace, elle aussi malade
le corps rose et plein de massacres
certaines couches fines se dégradent
indistinctes dans la masse
scindent les visages des vieux saints en des sourires monstrueux.
*
Un lien intense comme un jardin
quand la fatigue rôde
l’œil n’échappe pas à ce qu’il a vu
ni mort ni pierres censés rester au fond de la terre,
ni même l’insecte séché-collé à une branche.
On s’étonne peut-être encore que le seuil soit
inégalé par la richesse du lieu
chose close n’existe pas
et le moment où l’on fut soigné s’éloigne
impossible d’imaginer l’opaque.
*
Au plus loin dans ton recul tu te lèveras suivant le bruit par vagues
cela fera comme des cours autour de ce que tu as déjà nommé distance
et nous donnerons à neuf ce théâtre d’automates :
deux silhouettes hilares qui font la balançoire dans les échafaudages.
Une à une les planches se soulèvent puis se replacent en claquant sur la structure.
*
Que faites-vous dans cet endroit du diable,
extraits depuis votre dernière fatigue ?
Prenez soin des morts, les morts,
aimez-vous la forme crépitante et l’infinie reprise.
Tu parles vite pour que le trouble n’entre pas
et cela devient malgré tout un corps qui se décroche et tombe à flanc.
Ce serait avant moindre mouvement
un été englouti.
*
Laissez-les changer la vie
invisible et douce
la vie d’un arbre pris entre les immeubles
cette vue-là
laissez venir
transparent ne veut pas dire rompu.
Textes inédits, ©Raluca Maria Hanea
Raluca Maria Hanea est née en Transylvanie en 1982. Elle s’installe au début des années 2000 à Paris où elle devient directrice artistique adjointe au Festival de cinéma européen des Arcs, et travaille plusieurs années pour La semaine de la critique au Festival de Cannes, avant de prendre en charge l’organisation d’événements pour des organisations internationales telles que l’OIE ou l’OCDE.
Son travail poétique tourne autour de cette double inflexion de l’écriture littéraire et de l’écriture cinématographique, l’une nourrissant l’autre, chaque fragment devenant, à travers la reprise et la superposition des formes, la réécriture du précédent dans une interrogation obsessionnelle des images et du corps. Elle accompagne régulièrement son travail de dessins, collages et photographies. Elle est publiée chez Unes pour qui elle effectue aussi des traductions.