Jørn H. Sværen, “Musée britannique”, extraits


En complément de la note de lecture de Jean-Claude Leroy, un extrait du livre de Jørn H. Sværen, Musée britannique.


 

Jørn H. Sværen, Musée britannique, traduit du norvégien par Emmanuel Reymond, éditions Éric Pesty, 172 p. 2023, 19€.



Il y a quelques jours, j’écris dans une cabane de camping dans le comté de Hedmark, je tombai sur un crâne d’élan sur une colline reculée. Je m’assis sur une pierre et parcourus du regard le plus grand lac de Norvège, en direction des montagnes, sous le soleil printanier au sud. La pierre était froide et je me levai et poursuivis mon chemin à travers la forêt avec le crâne à la main. Une branche craqua et je m’arrêtai, devant moi se tenait un grand animal de la forêt, un élan mâle, il était immobile et me regardait de ses yeux sombres. Je restai là, je ne sais combien de temps, avec le cœur dans la gorge et le crâne à la main. Sans réfléchir je le portai au visage, comme un masque, et fixai l’élan à travers les orbites. Il me regardait sans expression. Je sentais la terre. Il hocha la tête et se retourna, d’abord la tête et puis le corps, et s’éloigna dans la direction opposée. Comme un roi, pensai-je, sans un regard en arrière. Je soufflai et laissai tomber le masque. Je fis demi-tour vers la colline et jusqu’à la maison, et m’assis sur le lit et écrivis :

 

nous sentons la terre

 

J’apprendrai plus tard que c’est le titre d’un livre. Il en est ainsi. Toutes les phrases ont une histoire, celle-ci est la mienne et en est une parmi d’autres. Et je pourrai continuer ainsi.

 

Jørn H. Sværen, Musée britannique, traduit du norvégien par Emmanuel Reymond, éditions Éric Pesty, 172 p. 2023, 19€, p. 50