Elise Tourte, « Rompre et autres poèmes » [Les inédits]


Nous avons choisi dans un ensemble qu’elle nous a envoyé, à notre demande, ces poèmes de la poète Elise Tourte.


Rompre et autres poèmes


Rompre

Je me figure
Les jours creux comme des noix
Mon visage défait dans les draps
La déconfiture des fruits
que nous avions cru les plus murs


Respirer

Parfois respirer fait mal on ne monte pas très haut dans la tour on se juche sur la petite pointe on observe tout ce phénomène laisser rentrer laisser sortir videuse de cette boîte crânienne videuse de cette cage thoracique on dit qu’il faut respirer pour penser pour glisser dans l’atmosphère comme un souffle on se chante un air à soi en boîte de jour


TLM

TLM s’inquiète de l’avenir de ses enfants
TLM a les poils qui se dressent sur ses bras par temps de forte frousse
TLM est ébahi devant les grands fauves
TLM peut porter une casquette pour se protéger du soleil
TLM rêve, mais très peu se souvient de ses rêves
TLM a un poil dans la main quand il s’agit de faire des choses
TLM a fait une tache rouge sur une nouvelle chemise et s’est rendu compte que l’eau n’effaçait pas la tache
TLM a déjà dit aaah en s’asseyant ça fait du bien
TLM pose des questions parfois ne serait-ce que ça va
TLM va quelque part en vacances ne serait-ce qu’en bas de chez soi
TLM est irrité par une certaine forme de méchanceté
TLM est beau selon un certain angle
TLM dort à poings fermés ou a de jolies insomnies.
TLM diffuse des idées parfois malgré lui.
TLM rêve de poser sa tête sur les genoux de quelqu’un
TLM fuit devant les responsabilités
TLM rapidement s’enlace
TLM rapidement s’efface si besoin
TLM remplit sa tâche
TLM s’étonne de ses restes.
TLM dit j’ai des bons restes quand même, j’avais pas oublié
TLM prononce le lait
TLM enlève la peau du laid pour voir du beau
TLM se rassure comme il peut
TLM descend au terminus
TLM est déjà resté pour voir ce que cela faisait
TLM a été viré d’un espace
TLM a déjà regardé l’espace, le ciel immense et petite portion du firmament
TLM remplit son rôle
TLM fait des travaux à la chaîne
TLM connaît la musique du futur
TLM connaît les bruits du passé
TLM glisse sur le toboggan infernal
TLM attend en bas que les autres aient glissé — avant de remonter
TLM s’éclate la tête
TLM sent des pieds
TLM sent du nombril
TLM sent bien que quelque chose ne va pas
TLM s’arrime à l’être
TLM pose des questions
TLM fuit devant l’obscur
TLM défend son frère
TLM est le frère ou la sœur ou le cousin ou la cousine de quelqu’un
TLM est harcelé
TLM recèle des secrets des mots pas dits simulés
TLM va à la niche
TLM vend des bijoux
TLM attend que les mots se tarissent
TLM vend un certain type de bijoux
TLM s’éclate
TLM s’épanouit
TLM s’évanouit
TLM s’enfièvre
TLM dissimule des secrets, des choses pas avouées, des choses qui courent à leur perte.
TLM court à sa perte
TLM reste à vivre
TLM puissant
TLM puise dans ses réserves
TLM voudrait absolument tout voir


Lever/ coucher

Au lever tu es toujours
Celui qui ouvre la fenêtre — le volet d’abord — en premier, faisant entrer de la lumière et de l’air dans la chambre
Je vois alors
ton dos tes fesses éclairés
Le soleil depuis quelques semaines est plus régulier
Je te souris — souvent
mais tu n’as pas encore tes lunettes
— Il faut cette clarté matinale
Ces grands éclats éclartés sur mes jambes aussi sur la
couverture sur la table de nuit — pour que tu les
trouves
Alors je pense
Que sans lumière tu ne pourrais ni les voir ni me voir
Comme deux entraves


Le soir
quand l’obscurité est déjà dans la pièce
Puisque l’ampoule au plafond s’active uniquement dans
l’entrée, il faut que tu l’éteignes tandis que j’allume celle
à côté du lit pour qu’ensuite tu puisses t’orienter —
jusqu’à moi
habitudes circulaires
— déjà s’embrasser — déjà se compliquer


rue de la lanterne

la rue de la lanterne pleuvait je t’ai demandé tu me tenais plus tu m’as finie et j’ai
senti tout cela ça menuiser j’aurais pu le mettre dans ma poche faire rentrer dans une
boîte d’allumettes mais jamais n’aurait éclairé non c’était devenu moins que rien
c’était devenu ce
poème

(J’ai tout vécu déjà ces moments-stères et d’autres qu’il faudrait encore raboter)


Possiblement être
Possiblement être – jetée dans vapeurs d’un moment – moment très vaporeux.
Possiblement jeter – se jeter à son tour – du haut d’un haut sommet
Possiblement sommer – insister durement – le dur jour de passer
Possiblement passer – mais peu passer – pas très pas trépasser
Possiblement pencher – mais à peine comme la tour – qui s’enfonce
Possiblement tourner – mais détourner des fonds d’étangs pour en faire
                                                                                     des surfaces
Possiblement surpasser – ce qui advient comme on arrive
Possiblement arriver à le faire
Possiblement faire l’abrutie – celle qui ne sait pas mais qui alors sait
                                                                                     bien bien d’autres choses
Possiblement se chausser de gants
Possiblement s’environner de stupeurs
Possiblement se rassurer en étant encore
Possiblement surprise.



Née en 1993, Élise Tourte vit à Strasbourg. Autrice d’une thèse sur les figures de la distance dans l’œuvre d’Henri Michaux, soutenue en 2021, elle n’arrive pas à choisir entre poésie et philosophie, enseignement, animation d’ateliers et écriture, alors elle fait toutes ces choses en même temps.