Cécile A. Holdban, Hervé Micolet, « Juin ivre, Juin réel », extraits [III/4, Anthologie permanente]


Poesibao propose ici deux poèmes, extraits d’un livre à deux voix, celle de Cécile A. Holdban et celle d’Hervé Micolet.



… il est un fait que Juin déboutonné
surgit et finit. Durant des mois
enseveli, il boit d’un trait le jus noir

de la terre des morts. Juin
est ivre de toute la terre putride
qui avait attendu longtemps.

Or j’étais cantonné en ville
et je m’entendis sifflé
dans la rue pour faire fissa,

et c’est Juin qui nous siffle ainsi,
oui, tout comme une crapule,

afin que soit remémoré Juin, Juin
dans sa tenture de verdure fine

là où la Terre se rend prophétique.

Et cela sera bref, cela sera cruel
entre deux temps désolés,
c’était l’hiver et voilà déjà l’été,

sans même un entretemps
de douceur exquise & de mollesse
virgiliennes je veux dire

dans Théocrite, tourne, torcol,
conduis-moi mon homme.

Hervé Micolet


La maison brûle

Et dans les maisons qui brûlent, brûle le monde
où reste la main gauche qui a peint l’arbre cerisier
ses fruits rouge feu. Et reste la racine du temps,
l’empreinte dans le livre d’humus.

Au secret des maisons, le couloir est plein
d’une fausse fumée qui est celle du rêve
d’une mort, alors qu’autour, tout est vert
et riant (le vert fut notre incendie).

Nous avions tant d’années vives à brûler
que nous ne comptions plus, le chien du fleuve
jeté hors de l’eau, le feu ici n’est nous qu’une image,
il n’y a aucune ville à sauver.

Cécile A. Holdban


Cécile A. Holdban, Hervé Micolet, Juin ivre, Juin réel, La part commune, 2025, 58 p., 13,90€

Deux poètes parlent de juin, le mois de la plénitude et les poèmes se répondent entre l’ivresse chez Hervé Micolet et l’inquiétude chez Cécile A. Holdban. Entre les deux textes, des monotypes de Cécile À. Holban où semblent presque lutter l’ombre et la lumière.