Vitrine poésie du vendredi 10 octobre 2025


Les 19 livres et revues reçus depuis le 30 septembre 2025 pour Poesibao (Isabelle Baladine Howald, Anne Malaprade, Florence Trocmé).


 


📃Jean-Pascal Dubost, Animaleries, L’Atelier contemporain, 2025, 20€
Animaleries est un recueil engagé : une poésie de la colère d’un homme blessé par ce dont est capable l’humain. Profondément sensible à la maltraitance et à la souffrance animale que banalise notre société – celle de la surconsommation, du spectacle et de l’anthropocentrisme – il fallait à l’auteur une langue déchirée par la révolte, inspirée par cette violence admise, une écriture qui ne transige pas avec les atrocités, pour enfin déciller la conscience endormie sous des proses quotidiennes et lénifiantes. « Âmes sensibles, ne pas s’abstenir » !

📃Francisco Moreno Galván, J’ai voulu pêcher des étoiles, Letras, Fario, coll. Les Pérégrines, dirigée par Santiago Zuluaga, traduction de l’espagnol de Serge Airoldi, édition bilingue, 13,5€
Le chant, ce genre à la racine de la musique et de la poésie, qui les précède et les annonce, retrouve sa vitalité dans les rythmes du flamenco, du cante jondo. L’alliance entre ces deux arts dépend de la scène, des regards des musiciens, des pleurs de la guitare, de la communauté d’où elle émane, des drames quotidiens du village ou des plaintes profondes du cantaor. C’est un chant qui se danse, aussi, qui se performe et s’écrit dans l’évènement. 
Comment donc traduire, lire le flamenco ? Peut-il devenir poésie, parole qui porte du sens dans le silence de la lecture ? Poète et peintre, parolier, Francisco Moreno Galván a participé de l’histoire du flamenco en composant un ensemble de letras nées avant la musique, des chants qui invitent à être chantés. « Un auteur de letras flamencas n’est pas un poète. Il les chante en silence lorsqu’il les crée, lorsqu’il y pense », propose Juan Diego Martín Cabeza, neveu de Moreno Galván, dans son introduction à ce volume. 
Nous avons voulu, ici, proposer au lecteur francophone une sélection de ces letras de l’auteur espagnol, en édition bilingue, où l’on devine à la fois l’héritage de la tradition et le renouveau du genre à la lumière du vingtième siècle. Ainsi, le communisme solidaire, à hauteur d’homme, de Moreno Galván, son opposition au franquisme, sa philosophie ne trahissent pas les motifs quotidiens qui sont le noyau du flamenco. 
On peut également découvrir la précision poétique, la limpidité des images, le silence d’où naît, aussi, le chant. Traduites et présentées par Serge Airoldi, ces letras constituent un témoignage précieux du cante jondo et participent du questionnement sur les limes de chaque art.

📃Didier da Silva, Trois Socrates, Satie, Cage, Feldman, éditions mf, 2025, 16€
Trois Socrates est la biographie d’une œuvre et de sa postérité, mais aussi celle d’un siècle musical, de la modernité au contemporain, à travers les évocations entremêlées de trois compositeurs francs-tireurs, le Français Erik Satie (1866-1925) et les Américains John Cage (1912-1992) et Morton Feldman (1926-1987). 
Revenant en détail sur les circonstances, à la fin de la Première Guerre mondiale, de la création de Socrate, chef-d’œuvre tardif et secret du premier de ces musiciens – dont nous commémorons cette année le centenaire de la mort –, Trois Socrates y ajoute le récit de son appropriation outre-Atlantique, en deux temps ou deux époques, 1969 et 1980, par deux des créateurs le plus singuliers de l’avant- garde musicale : du “drame symphonique” de Satie, Cage en effet fit une fascinante et fascinée paraphrase, la fantomatique Cheap Imitation, que pour finir Feldman transfigurerait encore en le réinvitant dans son univers sonore. 
Trois œuvres étroitement liées par des sympathies esthétiques, et les hommes qui les ont conçues, trois maîtres solitaires et leur longue amitié, réelle ou fantasmée, sont ainsi les personnages d’un texte résolument polyphonique, une manière d’invention à trois voix qui n’est peut-être qu’une chanson d’amour, fragile et et puissante tour à tour.

📃Jean-Paul Michel, Tribut pour un homme libre, pour saluer Jacques Le Scanff, Fario, 2025, 15€.
Ce livre ne constitue en rien un commentaire ou une exégèse de l’œuvre de Jacques Le Scanff. À cette œuvre, à cet art, il apporte plus et mieux : une réponse. Et un salut, au peintre comme à l’homme qu’il faut être pour l’avoir, cette œuvre, voulue et édifiée, fût-ce au gré des incertitudes, au hasard des tentatives, au prix des douleurs. 
Les pages d’un carnet datant d’un séjour à Florence ont été reprises ici par Jean-Paul Michel, pages choisies et revues certes, mais conservant toute leur fraîcheur, leur puissance d’étonnement, leur lot de saisissement, de réflexion, parfois même de colère. 
On y croise les grandes apparitions des Offices, mais aussi le jardin du cloître de San Lorenzo ou l’escalier du palais du Bargello, métonymies de ce que fut une ville, à savoir la forme de l’élan humain pour s’élever ensemble en ces temps renaissants. Ce à  quoi ne sauraient prétendre les mégapoles administrées au travers desquelles nous errons désormais.

Milène Tournier, 31 kilomètres aujourd’hui, Lurlure, 2025, 16€
“J’ai marché pendant un an. Je souhaitais que le temps soit rempli d’espace. Que les journées deviennent des kilomètres. 31 kilomètres aujourd’hui. J’ai eu besoin d’emmener le corps avec l’écriture. De confier mon année aux villes. Des lieux émaillent ces marches quotidiennes, comme des refrains. Je dis : j’ai vu. Je fais comme si ‘j’ai vu’ était la majuscule, par où tout poème pourrait s’ouvrir.”
M. T.

📃Guillaume Métayer, Le Dinosaulyre, suivi de l’Etymosaure, poèmes et jeux, illustrations de Djohr, éditions La vie des classiques (label pédagogique des Belles Lettres), en librairie le 17 octobre 2025, 11€
Quand préhistorique rime avec poétique, le goût des mots nouveaux et de l’écriture se met en place comme par magie : poète et chercheur, Guillaume Métayer nous invite à un stimulant voyage dans la préhistoire de la langue française, ses rythmes, ses rimes, son imagination, sur le dos de ces créatures gigantesques d’un autre âge, qui s’épanouissent à merveille dans l’univers fantaisiste et coloré dessiné par Djohr. Feuilleter quelques pages.

📃Olympia Alberti, Rilke sans domicile fixe, suivi de Le passeur d’aurores, Folio essais, 2025, 7€
De Prague à Paris en passant par Berlin, Gottingen, Munich, Tolède, Venise, Moscou ou encore Saint-Pétersbourg, Rainer Maria Rilke (1875-1926) a voyagé toute sa vie. Il a habité tantôt des garnis, tantôt des châteaux – Haseldorf, Friedelhausen, Duino, Muzot… Mais ce sont les rues qui furent ses vraies maisons.
Ce poète sans domicile fixe, Olympia Alberti nous invite à le suivre à travers ses errances favorites, à l’accompagner dans son obsession des demeures, des châteaux inventés, des maisons à rêver. Fuyait-il ainsi la lourde atmosphère de l’appartement familial de Prague et une mère oppressante ? ou bien la culpabilité de survivre à une sœur aînée morte prématurément ?
Nomade à la recherche d’un lieu qui convienne à sa sensibilité, Rilke fut surtout une incarnation du poète sans patrie, qui n’a de terre que dans l’écriture, et d’amour que dans la passion que lui inspire une langue.

📃Charles Juliet, Mes meilleurs années, journal XI, fragments, P.O.L., 2025, 18€
Charles Juliet a rassemblé ces textes en préparation du onzième volume de son journal qu’il avait choisi d’appeler Mes meilleures années. Il est mort le 26 juillet 2024, à Lyon, avant de pouvoir achever son projet. Nous publions aujourd’hui ce volume avec les textes inédits qu’il avait sélectionnés, dans un ordre fragmentaire qui restait à définir, mais qui témoignent de sa volonté d’atteindre sa part la plus singulière, « là où je rencontre ce qui appartient à tous, là où j’ai la chance d’accéder au permanent, à l’intemporel », écrivait-il.

📃Giorgio Agamben, L’Esprit et la Lettre, Sur l’interprétation des Écritures, traduit de l’italien par Léo Texier, Editions Rivages, Bibliothèque Rivages, en librairie le 15 octobre 2025. 15€
La distinction entre sens littéral et sens spirituel, entre figure et accomplissement, ne s’applique pas seulement à l’Ecriture, mais aussi à la vie. D’Origène à Auerbach, du Talmud à Benjamin, Giorgio Agamben mène ici une enquête archéologique riche en surprises

📃Yves Namur, les poètes de la rue Ducale, anthologie poétique, Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, 20€
« Depuis sa création, notre académie a accueilli nombre de poètes, certains faisant de la poésie une activité essentielle, voire exclusive, d’autres s’étant “frottés” à ce genre littéraire, alors même qu’ils sont reconnus pour leurs œuvres en prose. Dans cette anthologie sont présents des auteurs à redécouvrir et dont il serait parfois bon de se souvenir ainsi que des romanciers qui n’ont pas négligé cette discipline de l’humilité qu’est la poésie. Certains ont été des adeptes du romantisme, du classicisme ou du lyrisme, un Maeterlinck est unanimement reconnu comme le maître du symbolisme, voire le précurseur du surréalisme, un Jules Destrée a servi le poème en prose. D’autres, qui font notre bel aujourd’hui, voisinent avec l’écriture minimaliste, le fantastique, la métaphysique, l’humour, etc. » Yves Namur.

📃Alain Clastres, tu es cela, éditions unicité, 2025, 13€
Le recueil s’ouvre sur un hommage à la Chandogya Upanishad (environ VIe siècle avant J.C.), un des textes les plus anciens de l’Inde.
Au cœur de se son interrogation sur la réalité, ressort l’unité profonde de celle-ci où le particulier ne peut être séparé de la totalité, totalité qui ne peut être enfermée dans des mots. Cette non-dualité, ici clairement affirmée, traverse de manière plus ou moins sous-jacente toute la philosophie indienne pour réapparaître en toute clarté dans l’Advaita
Vedanta (Non-dualité) au VIIe siècle après J.C.
C’est cette perception, si elle est profondément intégrée en soi, au-delà de la simple compréhension intellectuelle, qui peut nous faire dépasser les oppositions, les divisions qui nous traversent, les inquiétudes et angoisses sur notre place dans le monde, qui peut nous faire ressentir que le moment présent cristallise tout le réel et l’ouvre à sa dimension plénière, pouvant amener à un accord au monde et à un apaisement.
La poésie, pour sa part, dans sa saisie intuitive, spontanée du monde peut amener à exprimer, à faire ressentir, cette dimension d’unité, d’éternité, d’infini, d’indéfini qui est au cœur de la réalité, de notre réalité. Relié, ancré dans l’unité du monde, un sentiment apaisé peut alors s’épanouir. La poésie dans sa démarche peut être une voie de paix, une voie d’éternité.

📃Rûmî, Là peut commencer la sagesse, poèmes choisis, folio sagesse, Gallimard, 2025, 4€
Érudit religieux, Rûmî (1207-1273) deviendra poète, bouleversé par sa rencontre avec un derviche resté mythique, Shams de Tabrîz. C’est de cette mue, animée par l’ouverture à l’Autre, que témoignent quelques-uns des poèmes ici réunis. Ou comment la voix du savant se fait chant affirmant, dans une merveilleuse forme versifiée, énigmatique et dense, l’union pleine de la mystique et de la beauté, l’alliance de la foi profonde et d' »un regard artistique, esthétique et par conséquent libre sur la religion » (N. Tajadod). Un recueil-florilège pour découvrir l’oeuvre, solaire, du poète soufi Rûmî, l' »un des plus grands poètes de l’histoire du monde » (J.-C. Carrière).


📃Et aussi :
Jean de Breyne et Germain Roesz, D’un jour qui tremble, suivi de bribes épistolaires, une correspondance, coéditions Propos2editions et Les Lieux-dits,
Marie-Line Jacquet,  à perte de voyage, cahiers du Loup Bleu, Les lieux-dits, 2025, 7€
Sylvie Villaume, Paroles d’herbes folles, cahiers du Loup Bleu, Les lieux-dits, 2025, 7€


Revues
📕La revue des revues, histoire et actualité des revues, ent’revues, n° 74, 18€
Au sommaire David Christoffel, passer en revue, auto-entretien ; Discontinuité éphémère, avant-garde des années 20, Des revues surréalistes depuis 1969 (1), Editions Rougerie : Réalités secrètes (1955-1971) ; Poétique de K.O.S.H. K.O.N.O.N.G. ; Hommage à Paul Louis Rossi – les 50 ans d’Austriaca – Revues de design de l’École Etienne

📗revue géopoétique internationale, dirigée par Laurent Margantin, numéro 2, Tarmac Editions, 2025, 20€
« Notre ambition ici, dans cette revue, est de revenir, malgré le contexte historique pour le moins négatif, aux lieux mêmes. Ce numéro – après un dialogue sur la géopoétique entre moi-même et Florence Trocmé – accueille tout d’abord une étude de Goulven Le Brech sur Kenneth White et Robinson Jeffers, poète installé sur la côte ouest des Etats-Unis, en un lieu isolé où il a bâti sa propre demeure à l’écart d’une humanité devenue trop bruyante. Deux philosophes – Martin Heidegger et Marc Bonneval – évoquent aussi la question du lieu, du lieu qu’on habite et qu’on a choisi d’habiter pour des raisons essentiellement poétiques, parce qu’il permet une certaine concentration de l’esprit. Ensuite, Patrick Joquel ouvre la marche, le vent se lève avec Nathalie Riera, et le chemin continue avec d’autres expériences de l’espace, plus mouvantes, plus complexes : celle d’un entre-deux entre la Bretagne et le Québec avec Rachel Bouvet et Laure Morali, un dialogue dans les Laurentides entre deux poètes québécois, Michel X Côté et Sébastien Auger, puis diverses pérégrinations géopoétiques avec Anne Cury-Koenig, Antoine Maine et moi-même, dans les parages du volcan du Piton de la Fournaise.
Laurent Margantin

📕Chroniques, revue de la Bibliothèque nationale de France, septembre-décembre 2025



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Livres non reçus mais dont Poesibao tient à signaler la parution
Franck Jedrzejewski, Małgorzata Perigot-Grygielewicz, Le futurisme polonais
(1918-1924) Poésie – manifestes – déclarations
, édition bilingue Français/Polonais, Collection Avant-Garde Critical Studies vol 44/1 et 2, Brill, 2024,
Sur le site de l’éditeur, vol. 1 ; sur le site de l’éditeur, vol. 2