Les 28 livres et revues reçus depuis le 15 septembre 2025 pour Poesibao (Isabelle Baladine Howald, Anne Malaprade, Florence Trocmé).

Christophe Manon, Elégies mineures, Nous, 2025, 16€
de souvenir aucun
n’est en mesure de procurer
semblable aura de joie
de peine ou de plaisir
que tout ce qui se trame
dans l’intensité de l’instant
présent et sitôt s’évapore
•Brice Bonfanti, Chants d’utopie, quatrième cycle, Sens & Tonka, 2025, 19,50€
Imaginée en 2001, l´écriture des Chants d´utopie commencée continue. Ces minuscules épopées en prose et vers, ou prose ou vers, cherchent toujours une étincelle qui annule les ténèbres, ce qui, sans lieu, irrigue tous les lieux, l´utopie ! Neuf cycles de neuf chants sont annoncés. Trois premiers cycles ont paru. Voici le quatrième. La suite donc – mais une mer l´a changée. Après une décennie et demie au pied des monts retour occitan à Notre Mer méditerranéenne. Les chants qui y sont nés sont nés marins, poissonneux, salins…
•Mahmoud Darwich, Le lanceur de dés et autres poèmes, traduits de l’arabe (Palestine) par Elias Sanbar, Actes Sud, 2025, 16€
Ce long poème de Mahmoud Darwich, “Le lanceur de dés”, a rapidement fait le tour du monde arabe dès sa publication en juillet 2008, un mois avant la mort du poète. Emprunt d’une douce mélancolie, il résume toute une vie, en insistant sur les hasards de l’histoire qui ont permis à un enfant de Galilée, issu d’une famille modeste, d’échapper plusieurs fois à la mort et de devenir l’homme mûr qui, désormais, la sent toute proche et cherche à l’apprivoiser. Les autres poèmes qui figurent dans ce recueil ont tous été récités par Mahmoud Darwich ou publiés dans des journaux avant sa disparition. Ils explorent pour l’essentiel, de façon totalement inédite, le thème central de toute son oeuvre, celui d’un pays “tombé” un jour des cartes du monde.
•Mahmoud Darwich, État de siège, poème traduit de l’arabe (Palestine) par Elias Sanbar, Actes Sud, 2025, 16€
En janvier 2002, reclus à Ramallah, Mahmoud Darwich a écrit ce poème, composé d’une centaine de fragments, en réaction à l’offensive de l’armée israélienne dans le territoire palestinien autonome.
Poème immédiat, où chaque fragment capte un moment, une scène, une pensée fugitive, il ne marque pas moins le début d’une nouvelle étape dans l’itinéraire du poète. Les images de Palestine d’Olivier Thébaud sont le fruit de six voyages en Cisjordanie et à Gaza durant les trois dernières années. Elles n’illustrent pas le poème, mais le prolongent d’un douloureux témoignage sur le paysage dévasté où il est né.
•Dominique Quelen, Matière, Flammarion, 2025, 18 €
Matière poursuit cette plongée dans les pénombres intérieures par le biais du langage à laquelle l’auteur s’astreint, avec une rigueur exemplaire, depuis plus de trente ans. L’écriture en est paradoxalement aussi limpide qu’opaque, comme toujours chez Dominique Quélen, qui a l’art de renverser les perspectives : traitant l’indicible avec désinvolture, le dicible avec circonspection. Les huit séquences du livre font ainsi défiler, dans le désordre et au hasard, des photos de vacances, des familles bancales, des athlètes de haut niveau, une chaussure perdue, une bassine trouée (pour les yeux), des douzains mis en prose… Ces textes lumineux, d’une tension tour à tour ironique et inquiète, recouvrent sans doute un drame plus secret mais s’offrent avant tout à l’investigation des lecteurs et des lectrices, qui les recomposeront à leur guise : « le résultat s’apparente à un objet produit par la poésie et fabriqué dans sa matière ».
•Bruno Fern, Des tours suivi de lignes, éditions Louise Bottu, 2025, 10€
des tours
Chaque poème est issu d’un texte où un extrait a été prélevé puis scindé en deux parties : la première est placée à la fin du poème et la seconde au début. Entre ces extrémités figure un écho plus ou moins lointain au texte originel, comme les images dans les glaces déformantes d’une fête foraine.
suivi de
lignes
Une citation (de Guillaume d’Aquitaine à Charles Pennequin en passant par Rimbaud et Apollinaire) a été découpée syllabiquement. Le texte se situe entre chacune de ces syllabes, comme s’il était fait d’excroissances qui s’enchaînent les unes aux autres pour former un ensemble.
• Michèle Finck, Vivre, écrire, dialogues sur la poésie, Le bateau fantôme, 2025, 268 p, 18
Dialogues avec Pierre Dhainaut, Jean Marc Sourdillon, Mathieu Hilfiger, Sophie Guermès et Frédéric Sounac. « Pour moi la poésie, cette insatisfaction vis-à-vis de la langue commune, cette interrogation sur les possibilités et la destination du langage, cet acte de résistance, n’est pas seulement une écriture (un texte). Elle est aussi une expérience. Ce que j’appelle poésie, c’est cette articulation d’un travail exigeant sur la langue et d’une expérience. Pour que la poésie, qui ne tient qu’à un fil, ne reste pas lettre morte, elle doit se confronter à l’autre, au dialogue. La poésie est profondément quelque chose qui nous métamorphose. De cette métamorphose, le dialogue peut rendre compte. »
•Jean-Pierre Vidal, S’effacent et demeurent, Le Silence qui roule, 2025, 17€
Ce livre de Jean Pierre Vidal est le deuxième tome d’Exercice de l’adieu, paru en 2018 chez le même éditeur.
L’auteur nous livre les traces d’un chemin où le hasard joue son rôle, apportant les joies les plus inattendues, les rencontres heureuses et les «douleurs impraticables».
« Dire adieu se fait en une infinité de temps séparés, non en un instant décisif.» Dans le calme du monde, ou au fil de quelques heures de silence, en évoquant la vie de son père et de sa mère, « la conscience de la perte qui se fait dans l’adieu est une victoire sur le néant».
Dans les trajets ferroviaires, entre la chambre de l’attente et l’atelier actif de l’amour, l’auteur vit ces moments d’acceptation de la perte, ou ces temps d’accueil du monde : «Trouver par le hasard le plus évident la position judicieuse, pertinente, exacte pour voir le monde». Ces récits nous disent l’importance des instants de dépossession de soi qui font de la perte des êtres aimés une réalité douloureuse mais baignée d’amour vivant. «Ainsi le néant n’a pas le dernier mot».
•Stéphane Le Mercier, Puff, Eric Pesty éditeur, 2025, 10€
À propos de Puff, Stéphane Le Mercier écrit : « Il s’agit peut être d’agencements modestes, d’agencements domestiques (une étagère, une porte de jardin) observés à Belfast, Vienne, Budapest ; les villes manifestes qui firent l’histoire des luttes et de la modernité.
La langue qui tente de traduire tout cela use et abuse d’énoncés brefs, de messages sibyllins. Captée nuitamment par un appareil radiophonique, elle tente de rejouer l’essentiel : la sériation, le ressassement et puis le raccourci, la pensée aphoristique, pour s’envaser enfin dans le neutre : Ah Puff is here ! Et ce Puff-là, se promène, divague, dispose comme dans L’Art de la mémoire de Frances A. Yates des blocs de mots dans l’espace de la feuille. »
•Muriel Claude, Conversations de la porte, Arléa, 2025, 18€, parution le 2 octobre 2025
Dans un monastère, le visiteur pénètre sans carte, sans boussole, sans clés. Seule la scansion impérieuse du temps par le son de la cloche indique à la fois les moments de prière et l’horloge.
Saison après saison, une femme séjourne par intermittences dans un monastère. Les jours et les heures s’y égrènent différemment.
Elle écoute, regarde, se tient sur le seuil entre deux mondes, la nature et la clôture.
Elle découvre que le familier et le sacré se côtoient, se ressemblent.
Il suffit de franchir la porte.
•François Lallier, Accidents de lumière, La Lettre volée, 2025, 15€
La poésie de François Lallier signale combien l’attention portée à la question du mouvement de la création comme ouverture au monde cherche à approcher et à cerner au plus près les liens tendus entre le moment présent de la perception et ce qui se donne comme son origine lointaine, avec toute son opacité, à travers l’émergence de la langue, de la parole poétique. Que recouvre ce moment si singulier de la perception, ce surcroît de la vision ? Et que signale ce qui se donne comme son origine, dans la remontée de ceque la langue prend en charge, d’aussi loin qu’elle provienne ? Certes, s’il y a recherche d’une origine de la parole et de son pouvoir de captation, dressée autant que traversée par le réel allant à la rencontre de celui-ci, cette parole poétique offre en ses prismes novateurs et parvient d’une manière remarquable à l’adéquation du poème à la fulgurance du dehors perçu. Dans le seul « geste » de regarder, toute cette intimité – et peu importe, en définitive, le prétexte – associée à toute chose du monde, entretient en cette poésie la source que constitue le corps du réel qui jamais ne se dérobe du cœur de la vie
•Alfred Döblin, Monts mers et géants, roman, traduit de l’allemand par Michel Vanoosthuyse, Gallimard, 2025, 26€
En 1924, Alfred Döblin publie un roman dans lequel il imagine ce qu’est devenu le monde après le vingt-troisième siècle. Les humains, voulant domestiquer la planète pour y exercer leur pouvoir sans limites, ont déclenché une série de catastrophes : réchauffement climatique, migrations forcées et violentes, manipulations génétiques et armes chimiques, sur fond d’une guerre qui oppose l’Est à l’Ouest. Le chaos s’intensifie jusqu’au jour où les puissants ont l’idée de faire fondre les glaces du Groenland pour s’y installer, générant d’inimaginables dangers pour l’espèce humaine.
Cent ans plus tard, ce roman visionnaire est enfin traduit en français. On y découvre le Döblin d’avant le mythique Berlin Alexanderplatz, dont l’imagination débordante sert une analyse de la démesure des hommes, et qui avait compris dès l’entre-deux-guerres les menaces que l’humanité faisait peser sur elle-même.
Dystopie littéraire dont, un siècle après sa publication, une partie des prémonitions s’est réalisée, Monts Mers et Géants est une stupéfiante épopée de l’avenir qui dialogue avec des chefs-d’œuvre du vingtième siècle tels que Nous de Zamiatine et 1984 d’Orwell. Sa lecture, qui nous fait traverser des territoires situés entre le roman d’aventures, la fable et la science-fiction, est une expérience vertigineuse.
•Hélène Cixous, ce qui n’étais jamais arrivé, Gallimard, 2025, 19€
« — Réveille-toi, crié-je à mon doigt
Il était déjà inerte, sourd, lourd, en descente dans des épaisseurs d’eau coagulées, déjà boursouflé comme un ballon pneumatique et indifférent. Je ne sais pas quelle alarme avait retenti dans mon âme. Je sursautai, c’était la dernière minute. Ma main gauche se jeta sur tous les doigts droits, frappa principalement sur l’index quasi momifié.
Je hurlai.
•Yves Boudier, Poèmes pour qui (aime encore lyre), éditions LansKine, 2025, 10€
Poèmes pour Qui (aime encore lyre) fait suite aux Poèmes pour les p’tits (qui savent lyre) et s’adresse avec humour et ironie aux adolescents en décrivant les objets qui les entourent, les lieux et les passions de leur âge. Il leur propose de poursuivre l’écriture des poèmes à leur guise. C’est un livre qui passe d’une main à l’autre et se glisse dans la poche, à côté du portable ! Un livre de poésie interactif qui suscite la créativité des adolescents.
•Régine Detambel, Ecrire juste pour soi, Les mots prennent soin de nous, Actes Sud, 2025, 19,80€
Ce livre s’attache en effet à comprendre les usages et les vertus de l’écriture de soi pour soi, à laquelle s’adonnent, souvent en silence, des millions de personnes en France. Abordant les multiples déclinaisons de l’intime, la bibliothérapeute et autrice Régine Detambel intègre au fil du texte des entretiens menés avec celles et ceux qu’elle accompagne dans leurs pratiques d’écriture. Théorie et vécu se répondent ainsi dans un dialogue universel.
•Jérémy Liron, des têtes qu’on tombe, Faï Fioc, 2025, 14€
Petite armée calme de corps
rectifiés par la lame,
portant tout le poids de leur tête
comme font les mélancoliques,
le poing contre la tempe, accablés
par leur empêchement.
•Louis Adran, Tireur et tombeur, Cheyne, 2025, 18€
Tireur et tombeur suit une figure fascinante. Silhouette incertaine, parfois humaine, d’autres fois végétale ou animale. Se glissant dans les jardins et les maisons, commettant d’indiscernables larcins.
Dans ce nouveau livre de Louis Adran, les présences sont furtives. Elles apparaissent et disparaissent tour à tour dans la touffeur des nuits d’août.
•Julie Delaloye, S’il reste une voix, Cheyne, 2025, 22€
S’il reste une voix, elle est ensevelie sous la pierre, sous les herbes hautes, elle est soulevée par les rivières, elle fleurit parmi les pivoines.
Avec leur puissance sereine, les poèmes de Julie Delaloye font naître une entente inédite entre le monde et la parole. Le langage ici s’enchevêtre à l’écorce, au granit, aux bruyères et genêts.
Apparaissent alors une autre lumière, un autre royaume. Où les voix deviennent lucioles. Où des colibris s’élancent d’une bouche. Où il est possible de transmettre.
•Caroline Audibert, Les Audionautes, à l’écoute des chants de la terre, Actes Sud, 24€
Depuis Ulysse, nous restons sourds aux chants du monde, oublieux des puissances partout à l’œuvre et des êtres vivants qui en procèdent. Les sirènes d’Homère chantent pourtant “tout ce qui advient sur la terre féconde” ; en les écoutant, le héros antique se faisait le premier “audionaute”. Dans son sillage, Caroline Audibert est partie à la rencontre des audionautes d’aujourd’hui qui naviguent à l’oreille à travers les sonorités de la Terre. Des Alpes à l’Amazonie, de la taïga russe aux laboratoires high-tech et jusque dans les lieux les plus abîmés, l’autrice redécouvre le monde à travers un sens racinaire et malmené : l’écoute. Au fil de ses pérégrinations, ses oreilles – et les nôtres – s’ouvrent, s’affinent, l’augmentent et l’engagent toujours plus avant dans une écologie du lien, voire de la réparation.
“Si nous faisions pousser nos oreilles, le monde en serait changé” : telle est la proposition de ce récit immersif, poétique et initiatique. Au cœur des vacillements planétaires, une invitation à rejoindre une communauté à l’écoute des chants de la Terre, qu’il ne tient qu’à nous de faire grandir.
•Thomas Deslogis, anthologie La poésie érotique aujourd’hui, dessins de Louise Bourgoin, Seghersn 2025, 29€
Après La Poésie érotique, anthologie de Marcel Béalu revue et enrichie de dessins par Louise Bourgoin en 2023, voici La Poésie érotique aujourd’hui : une plongée inédite dans les plus beaux textes contemporains sur le désir, l’amour et la volupté.
Avec une grande diversité de tons et de formes, cette anthologie rassemble plus de soixante-dix voix françaises et étrangères, allant de Sony Labou Tansi à Rim Battal, de Christophe Tarkos à Cécile Coulon, de Brigitte Fontaine à Hervé Le Tellier, de Roberto Bolaño à Clara Ysé… Toutes s’inscrivent avec brio et humour dans une longue tradition qu’elles renouvellent en profondeur.
Et aussi :
•Serge Pey, L’éponge et le seau d’eau, Jacques Brémond, 2025, 20 €
•André Benedetto, Emballage, Jacques Brémond, 2025, 20 €
•Cyrille Latour, Je veux dire, Jacques Brémond, 2025, 15 €
Revues
•Gustave Junior, n° 15, Centre de Créations pour l’enfance et Associations Déjà Poètes, n° 15, entièrement consacré à la langue des signes,
Gustave Junior est un journal de poésie contemporaine adressé aux enfants de 7 à 12 ans, diffusé au format PDF, sur abonnement… entièrement gratuit ! 8 pages à imprimer chez soi sur de simples feuilles A4, conçues comme une boîte à outils facilitant l’utilisation en classe ou en bibliothèque…
Poesibao signale aussi (livres non reçus mais sur lesquels nous souhaitons attirer l’attention)
○Isidore Ducasse : Poésies II
La reproduction / reconstitution du texte rarissime de Lautréamont par les artistes Vincent Labaume et Jean-Luc Moulène qui, à l’aide de la photocopie, de la photographie et de la numérisation, s’inscrivent dans une tradition plus que centenaire passant par André Breton.
édition française
29,7 × 21 cm (plié) / 59,4 × 84,1 cm (déplié), affiche pliée sous chemise , 3.80 € Réédité par Aurélie Noury, avec l’autorisation de Vincent Labaume et Jean-Luc Moulène. Publié avec les éditions Lorem Ipsum.
○Les éditions Les Cahiers publient un livre sur Jérôme Peignot dont Poesibao s’excuse de n’avoir pas suffisamment annoncé la disparition.
Jérôme Peignot (1926- 19 juillet 2025) fut tour à tour romancier, poète, spécialiste de la typographie, critique d’art et homme de radio. Il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages et de très nombreux articles sur l’écriture, l’art et la musique. Il travailla en outre à faire connaître les écrits de sa tante Colette Peignot (dite Laure, 1903-1938).
Annonce du livre et sommaire.
○Bruno Tackels, Les mille plateaux de Walter Benjamin ; Besançon, Les Solitaires intempestifs, 2025, 15€, lien
○Alexandre Castant, Pierre Taminiaux, Iwona Tokarska-Castant (dir.), André Pieyre de Mandiargues, Ecrire entre les arts, Colloque de Cerisy, Presses Universitaires de Rennes, 2025, 25€
l’ouvrage André Pieyre de Mandiargues : Écrire entre les arts se propose d’analyser
sous un angle toujours interdisciplinaire, non seulement l’histoire mais aussi l’actualité
et la prospective de l’écriture de Mandiargues et des arts.
Dès lors, en présentant des études sur l’auteur du Musée noir, d’abord liées à la littérature
(de la poésie à la fiction), puis aux arts portés par ses écrits (peinture, sculpture, théâtre, photographie, cinéma), en liaison avec les mouvements et les avant-gardes
(surréalisme, Nouveau Roman, néobaroque) comme avec la notion d’« image » des genres littéraires qu’il revisite (conte, érotisme, fantastique), Écrire entre les arts investit
résolument le champ, comparatiste et transesthétique, de la relation entre l’écriture de Mandiargues et les arts.