Valère Novarina publie « La Clef des langues », chez P.O.L., un très fort volume qui entreprend de scruter le « mystère verbal ».
Extraits
L’Homme de L’Anthroposcène, Jean-François des Vocifères, Le Gymnophysicien, Le Zoographe, Le Gymnocal, Le Survenant, L’Homme Gymnospiral, Le Ballestrier Bleu, Le Peuple Pulpûruleux, Les Septante-Six, L’Homme-à-qui-il.n’est-rien arrivé, L’Homme de la Bi-Moutonnerie, Le Chien Canonique, Le Mort à Perpétuité, L’infirmière Glodon, La Mangeuse Omniaque, Le Bonhomme Sextuple, Le Philiâtre, La Mère Potique, Le Fils Debout, Les Fils Apprivoisés, Les Enfants Bicordes, Les Gens Moriaux, Les Enfants du Fils Tricode, Les Voisins Quadruplant, Le Théanthrope, La Rose aux Douze Mille Tubes, Jean Obtenu par la Porçive, Le Mort Sans Faute, L’Outre-Vif, La Femme de Vorifianderec, Le Renvoyeur de Tout, L’Isolier, Son Déséquilibriste, Les Enfants à la Une & à la Deux, Les Gens de la Chose Faite, Les Passants & les Outrepassants, La Femme du Numigène, La Femme de Jumièges, La Femme de Viandôme, Le Mangeur Loquace, La Femme de Sanglot, Madame de la Fourmi, Les Animaux Anonymes, Les Subdivisions de la Femme en Quatre, Le Pantalarmier, L’Ysaurien, Le Biverbiste, Les Bi-Frontins Toutes Tendances, Les Stigmates Repentis, Les Onfriodélateurs, Les Déshexagonaux Déléateurs, Les Déléates, Les Déçus du Laxis, Les Sémiocrates, Les Embrumeurs Méloratophiles, Le Manqueur de Hop, La Mère Miroir, Les Animaux Mono-Accourus, Les Utilisateurs de Clairons, Le Successeur Son & Amen, Les Animaux Sapientiaux, Le Dompteur Fanfan Amar, Les Voyageurs Imparfaits, Jean Chronophobe, Son Sicaire, Son Disciple, L’Homme de Joie Nue, Le Nain Omnus, L’Abbé Sagouin, L’Enfant Urs & Nihil, L’Enfant Coriace, Le Son Permanent, Le Laboureur Sic, Le Serpent Vibrillon, Le Malheureux Chanteur du Psaume Cent cinquante-deux, Le Prêtre Ardent, L’Ouvrier du Un & du Oui, La Mère dans la Maison Jaune, Le Professeur Jean L’Ennemi,
(p. 13)
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Thomas des Entes détruit sa toupie ; Jean Naunau distrait sa soeur ; Dioset à Franlà débarbouille son filleul ; François à Mainmaille alerte Joset à Pain Long ; Auguste Portigliati décharge le camion ; Guste à Davet délie le bouc ; le Stéphanois prévient : « Bonjour la casse ! »; Toîne à Cacâne écorche un sobriquet ; Dédé Bancillon brise une assiette ; Guste du Baumély exhibe une peluche ; Germain de Champagne peaufine son argument ; Lupin s’égosille ; Pierre à Maurisson transporte une perche ; Olympe à Piqueton entrevoit la fin ; Mignonet & Rabadin se surmènent ; la Zélée à la Chat’na rougit ; Mali au Bossu se démène bien ; Bernazeau sifflote l’ouverture de Rienzi ; Clapet exige le grand modèle ; Josyiane à Béchevet compte en silence ; Julien des Clerges rattrape son gendre pendant que son ex se sauve ; le Sous-Préfet s’écoute parler ; Mostérino sautille ; la Maillotte rêve éveillée ; la Louise au Noir rabat sa capuche ; Pythoud de Massongy avoue sa déconfiture ; Marcel à Salin rebouche le cubitainer ; le petit Polo tremble ; Léa à Théodule sait d’avance ; Zèf à Mirolon chie ; Toine le Boèteux rejoue ; Médée du Linage extrait son portefeuille ; Dioset de Talonay fulmine ; Francis à la R’bennet desserre sa ceinture ; Dian de la Fattaz se désespère ; Branle-pieu ne connaît strictement plus personne ; Ouisse à Polycarpe vaticine ; Joson à Mujet exécute une figure ; França à la Quintaule ficelle le canard de la Ninin à Plagnon ; Lucien à Lali poursuit un poussin ; Raymond Queue-de-béton s’assoupit ; Guste à Lamy plie le journal ; Victorine à Dlaude s’exprime ; Zizon marche dans une bouse ; Jules à Caton emboîte deux tuyaux ; Dérien à Tuâgne s’informe ; Daudrote penche; Jean à la Pile bondit ; Lili Berthier intervertit la paire ; Phonse au Bobet radine ; Barnabé à Doillon s’approche des McCormick; l’Oscarde profite de l’aubaine; Louis du Clou, dit le Gaulois, détache son berger bernois (…)
(p. 299)
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Raymond Lulle dit que « tout l’être de la création n’est rien d’autre qu’une imitation de Dieu » ; pour saint Bonaventure « la vérité de Dieu est imprimée dans l’esprit humain et inséparable de celui-ci » et il ajoute que « Dieu ne peut être connu que dans sa présence en nous. Deus praesentissimus est ipsi animae et eo ipso cognoscibilis »; Hubert-Félix Thiéfaine assure que « Dieu est un fox à poil dur » ; Empédocle signale que « Dieu n’a ni pieds, ni genoux agiles, ni sexe velu »; Spinoza pense qu’« il est la nature » et Hugues de Saint-Victor que « nous ne pouvons ni savoir ce qu’il est, ni ignorer qu’il est » ; Michel Foucault décrète que « la mort de Dieu entraîne la mort de l’homme » ; Pascal a l’intuition que « c’est le cœur qui sent Dieu, et non pas la raison » ; Kant approuve : « Dieu ne s’apprend que par le coeur » ; Grégoire de Nysse expérimente que « l’on va à Dieu par des commencements sans fin, de commencement en commencement, par des commencements qui n’ont pas de fin » ; Jean Szpirko imagine « Dieu comme la ligne de mire que dessinent les méandres de la parole » ; Rabbi Nahman de Breslev atteste que « Dieu trace des voies dans la mer » ; devant le spectacle des étoiles, Paul Claudel s’émerveille que Dieu soit si riche ; Voltaire accorde « qu’il ne peut songer que cette horloge existe et n’ait pas d’horloger » ; Marius Victorinus maintient que « Dieu est au-dessus de toute existence, au-dessus de toute vie, au-dessus de toute connaissance, au-dessus de tout »; Grégoire de Nysse prêche : « Cherche Dieu, mais si quelque chose se présente à ton esprit qui te paraisse être une expression suffisante et adéquate à l’essence divine, sache bien qu’elle n’est pas Dieu, et que, en identifiant à Dieu cette idée que tu t’en fais, tu te trompes » ; Descartes juge que « Dieu est ou existe, et qu’il est un être parfait, et que tout ce qui est en nous vient de lui »; Alexis Carrel croit savoir que « dans la prière l’homme s’offre à Dieu, comme la toile au peintre ou le marbre au sculpteur »; Avicenne répète que « Dieu est l’être dont l’essence est d’être » ; Spinoza postule que « tout ce qui est, est en Dieu, et rien ne peut sans Dieu être ni être conçu » ; pour Anaxagore « Dieu est l’intellect agent de l’ordre du monde » ; Dostoïevski soupçonne que « l’homme n’a inventé dieu qu’in de pouvoir vivre sans se tuer » (…)
(p. 438-439)
Valère Novarina, La Clef des langues, P.O.L., 2023 (parution le 23 février), 512 p., 34€
Sur le site de l’éditeur :
« Rien n’est plus au secret de la matière, rien n’est plus proche de la vie profonde de la nature, rien n’est plus au cœur de la physique – que le mystère verbal. C’est dans les mots réversibles que notre langue – comme toutes les langues – en sait le plus. Passage, renouveau, mutation, retour, renaissance, métamorphose, naissent d’un faux pas, d’une chute, d’une inversion, passent par la perte de l’équilibre. C’est traversée par le déséquilibre – et comme passant par un pont vide – comme prise en faute, touchant sa limite – que la pensée reprend son élan, dans les rosaces, les rondes et les litanies du drame de la vie. Livre d’un terrassier. De la difficulté d’en sortir indemne, sauf à partir soudain à la recherche du roman perdu. » (V. N.)
Valère Novarina a conçu ce qu’il appelle un « roman nominaire ». Un grand texte d’appel, de convocation, dans lequel les noms se succèdent, s’interpellent, s’interrogent, se déclinent, s’inventent et se racontent. Noms humains ou déshumains, différentes nominations de Dieu, des espèces, du vivant. Véritable tour de force poétique, la seule litanie des noms crée un univers romanesque et théâtralisé. Où « L’Infini Romancier » concurrence « Le Coureur de Hop », et converse avec « La Femme Octocéphale ». Le texte révèle l’obsession au cœur de cette machine dramatique : « examiner toutes les langues de près, sans en croire un seul mot, regarder chaque passage, les interroger comme des tables de multiplication venues mettre au jour la lettre de trop embusquée dans l’alphabet de je suis. »
Le texte est accompagné d’une série de 635 dessins de Valère Novarina.
On peut feuilleter le début du livre sur le site de P.O.L., ce que Poesibao recommande fortement !