Jean-Claude Leroy invite ici le lecteur de Poesibao à la découverte des poèmes vivifiants et lumineux de Karine Marcelle Arneodo
Karine Marcelle Arneodo, Jours de fête, éditions La Barque, 80 p., 2023, 18 €.
« devant, est-ce le jour qui croît à mon enseigne »
Ils pourraient paraître énigmatiques, les poèmes de Karine-Marcelle Arneodo, pourtant ils donnent à voir et à suivre, puisque les mots sont toujours concrets ; pas un qui ne corresponde à une image, une histoire, une perception, une surprise. Quelque chose qui apparaît doucement, comme dans un révélateur, simplement à s’attarder le temps de quelques secondes, pour que remonte à la surface la chair des phonèmes. Belle et ajustée, la libre automaticité de l’écriture quand le corps de la langue est tendu autant que savoureux. Se déplie alors un dire qui imprime jusqu’au bout des doigts. Des vers qui, en tout cas, érotisent l’air où baigne la peau de qui les prononce ou les lit.
Nous avons là une plastique et une présence sachant habiter l’ombre, quelle que soit la nature du contre-jour. Poésie assurément amoureuse autant qu’aimante, où se dit le jour avec la nuit de compagnie, la sensuelle mouvance du matin, les heures minutées par l’attention à l’autre. Il s’agit donc bien de « Jours de fête », jours qui sont plusieurs, nombreux sans doute, tandis que la fête est au singulier, parce que c’est la même fête d’amour et de vie qui se prolonge. L’on sent d’ailleurs le quotidien lové dans un printemps, ici de « quatre jours » ; l’on imagine un rayon de soleil traversant les persiennes, flamboiement pour ceux qui se reconnaissent les yeux clos.
minuscule n’est pas petit
minuscule en plein jour
en plein vent d’appétit
mauvaise tour de sang
urgence qu’on ne blesse
l’envie tout autant
survivre mort tout en étant vivant
Quelques glissements çà et là creusent le sentiment d’étrangeté, par un charme un rien fantasmagorique. Onction du regard écrivant, capiteux et incorporé, lumière résultant de l’intime. Ai-je dit assez combien ces poèmes sont vivifiants, rêveurs et lumineux ? Par quelque ouverture au grand large, nous avons là une lecture qui nous lave d’une époque où tout s’applique à se refermer.
Ici, trop peu habituel aujourd’hui, un scintillement vital qui réchauffe l’œil et ré-encourage à se lever de soi, c’est une joie qui a reçu quelque chose, et se transmet. Une sorte d’onirisme sur pied vient valider la raison d’être, autrement incertaine. Voilà sans doute la poésie dans son rôle, si elle en a un, cette qualité nouvelle donnée à l’atmosphère, puis ce sourire folâtre qui vient se dessiner sur le masque du lecteur.
J’aime cette vie
où l’on écrit sur des supports
je suis un chien
un avatar de soins antiques
je guette les allées et venues
des rêveries qui s’évaporent
je fais tout un tintouin
le mur est lisse et la façade est identique
je suis le lien qui court et s’ingénie
à peindre la gaieté musicale d’une sauvagerie
Karine Marcelle Arneodo a traduit du japonais plusieurs livres publiés à ces mêmes éditions, dont un recueil d’Ayukawa Nobuo (1920-1986) et un autre de Tamura Ryûichi (1923-1998). Elle est aussi l’auteure de nombreux poèmes, Jours de fête est son troisième livre.
Jean-Claude Leroy
Karine Marcelle Arneodo, Jours de fête, éditions La Barque, 80 p., 2023, 18 €.