Jacques Robinet, “L’Attente”, lu par Isabelle Baladine Howald


Isabelle Baladine Howald nous entraîne à sa suite dans le beau livre de Jacques Robinet, “L’Attente”, publié par La Coopérative.


 

Jacques Robinet, L’Attente, couverture Renaud Allirand, éditions  de la Coopérative, 2023, 230 p, 22€


« Ne gagner que ce qui se perd »

L’attente que publie Jacques Robinet à la Coopérative, avec le concours du peintre Renaud Allirand pour sa belle couverture en ombres et éclaircies, est le livre du soir de la vie.
C’est son quatrième livre chez cet éditeur.
Ici rien n’importe plus qu’un rythme des jours. Un homme penché comme ses arbres relève la teinte du jour, des feuilles. À Paris dans un appartement en cours de déménagement ou dans la maison de campagne qu’il a rejointe en principe définitivement, il écoute passionnément de la musique, Bach, Schubert, Haydn…

C’est un homme inquiet, qui pourtant reste plein d’espoir.
Il a eu une vie de roman, il a renoncé à la prêtrise, est devenu psychanalyste, fut l’ami de Green, Mauriac ou Maritain, et il écrit des livres.
« je n’écris pas un journal, je note des reflets », écrit-il durant la période du confinement.
La beauté de ce livre tient en effet à son oscillation constante. L’inquiétude et la joie, la foi et le doute, la tristesse d’un monde dont on pressent l’interminable fin, l’espoir qui renaît aussi vite qu’il fut perdu, le malheur et l‘émerveillement.
La nature est bien abimée mais déjà sur les glaciers disparus apparaît une nouvelle flore, ai-je lu récemment. C’est plutôt l’homme qui ne peut plus se renouveler.
Que pouvons-nous faire au quotidien dans ce massacre actuel, bien pire que ce virus qui nous a tous privés, une fois la sidération surmontée à grand peine ? Lire, encore et toujours…

Jacques Robinet, lit, écrit, se promène seul ou avec Renaud, écoute, regarde le monde.
L’écriture est fluide et pleine, gorgée de lumière, impressionniste pourrait-on dire. « J’essaie d’habiter le silence ».  On pense parfois à Charles Juliet ou à Philippe Jaccottet, dont il partage l’intranquillité fondamentale, la réflexion sur l’âge, l’amour de la lumière.
Peut-être la grande différence, ici, c’est Dieu.
Jamais certain, ce Dieu, toujours attendu.
C’est peut-être la clef de ce beau livre au soir d’une journée d’automne, qui rassemble toute une vie, à la façon d’un funambule, en équilibre précaire mais tenace.
Une obstination douce, un homme complexe, et l’amour du silence.

Isabelle Baladine Howald

Jacques Robinet, L’Attente, couverture Renaud Allirand, éditions  de la Coopérative, 2023, 230 p, 22€