Un important extrait de “Échafaudages dans les bois, 1″, d’Ivar Ch’Vavar paru récemment en coédition Le Corridor bleu et Lurlure.
[Extraits de Échafaudages dans les bois, 1, d’Ivar Ch’Vavar et camarades, Lurlure et le Corridor bleu, 2022, p 183 et suivantes].
11/12/12 (Ivar)
(…) un texte intitulé 3×3, où j’essaie de redéfinir les trois questionnements qui me paraissent les plus importants, présentement, pour le poème et pour la poésie ; les trois ‘niveaux de sens’ qui y correspondant ; les trois pirncipaux intérêts de la justification en liaison avec ces trois questionnements et ces trois niveaux de sens.
3×3 (trois fois trois)
1, 2, 3 (1) Il y a trois pistes (principales) que j’essaie de suivre, de remonter en ce moment ; trois idées que j’essaie de dégager, de poser et de formuler. Pour l’heure, j’en suis encore à traverser la nappe d’électricité statique de l’intuition ! ça crépite et ça grouillonne pas mal tout autour, mais je n’y vois pas bien clair.
- Le vers n’est pas le mètre, ne se confond pas avec lui, et la clé du poème, comme forme, tient peut-être dans cette affirmation (négative).
- L’image poétique a quelque chose à voir avec le thème du couple primordial – couple gémellaire, jumeau/jumeau ou jumeau/ jumelle – et son déchirement. Ça va être coton de le montrer, oui, mais j’ai posé quelques jalons (comme on plante des banderilles !) dans mon article Une théorie de l’image poétique, paru dans le n° 1 de la revue Première Ligne (éd. des Vanneaux).
- Une poésie populaire est possible. Et cette possibilité, qui en réalité est une nécessité, elle a à voir avec l’idée d’indétermination, mise en avant récemment par Florence Trocmé sur Poezibao: l’indétermination (1) laisse le chantier du poème ouvert (au lecteur) et fonde la poésie comme entreprise (et histoire) collective.
1, 2, 3 (2) À ces trois pistes et questionnements, j’associe trois niveaux de sens :
- Le sens comme mouvement d’un point à un autre, disons le sens cinétique : ce dont le vers est la figure dans le poème. Ce n’est pas le mètre qui fait le poème, mais ce qui, dans un grand chevauchement vers/prose, un continuel enjambement du mètre par le vers.., ce qui va vers. Le poème avance, et c’est LE VERS qui le fait avancer. Le vers est la figure du sens (dans ce sens) dans le poème. Peut-être il est le sens (dans ce sens, cette acception du mot).
- Le sens comme contenu – signification, cachée ou symbolique (ou indéterminée). On est là dans l’imaginaire, le subconscient, les archétypes… L’IMAGE, poétique, et le travail de l’image, le fonctionnement de l’esprit.
- Le sens comme « flèche de l’Histoire », progrès, etc. Il s’agit ici de l’histoire de la poésie, en rapport avec toute l’Histoire, aventure nécessairement collective. L’HISTOIRE.
1, 2, 3 (3) La JUSTIFICATION apparaît désormais comme un « système » particulièrement intéressant dans la problématique générale (actuelle) du poème et de la poésie parce qu’elle se configure, oui, peu à peu on peut voir qu’elle se configure avec les trois pistes, les trois « idées » dont j’ai parlé tout d’abord, comme avec les trois « niveaux de sens » que j’ai dégagés ensuite :
- Elle intéresse le vers même, libéré de sa « coïncidence » avec le mètre; elle permet le grand chevauchement vers/prose et l’éternel enjambement, parce qu’elle fonde un mètre sur un principe a- ou anti-rythmique. Étonnant paradoxe !
(le vers libéré du mètre; le vers comme sens – cinétique – du poème)
- Elle permet (je m’en suis expliqué plusieurs fois) la levée des censures, et bien plus efficacement que l’écriture automatique (nouveau paradoxe). Elle provoque une irruption plus forte du subconscient. – En même temps, elle rend possible (toujours paradoxalement) une observation plus rapprochée de l’acte poétique, et donc du « fonctionnement réel de la pensée » (Breton). Elle peut servir d’appui à une nouvelle phénoménologie de l’imaginaire.
(l’image poétique; le sens caché ou symbolique; le « contenu »)
- Elle est, je ne crains plus de le dire, dans l’histoire de la poésie (comprendre : la poésie comme histoire), non seulement une étape importante, mais une révolution véritable. Elle refonde le poème, elle modifie l’acte poétique dans son faire, et profondément… Elle relance la poésie comme histoire, et sans doute n’est-ce pas un hasard si elle a presque immédiatement (Martial Lengellé, Lucien Suel) réorienté le poème vers l’épopée.
(l’histoire de la poésie; une poésie populaire)
Ivar Ch’Vavar et camarades, Echafaudages dans les bois, 1, Le Corridor bleu & Lurlure, 2022, o. 183-185
(1) L’indétermination est, dans un poème, tout ce dont le sens reste indéterminé, laissé à l’appréciation du lecteur.