Gwen Garnier-Duguy; “Livre d’or”, lu par Pascal Boulanger


Pascal Boulanger lit ici pour Poesibao le livre de Gwen Garnier-Duguy qu’il voit comme une passerelle entre jour et nuit.


 

Gwen Garnier-Duguy : Le livre d’or, postface de Bertrand Lacarelle, illustration de couverture de Roberto Mangù, L’Atelier du Grand Tétras, 2023, 15€.


L’épopée continue, sans trouver amère la beauté, même si celle-ci est recouverte par des langues mortes. Le livre d’or – le livre dort aussi – forme une passerelle entre jour et nuit, entre le feu et l’épée et le murmure des rêves. La poésie, pour Gwen Garnier-Duguy, est à la fois cette constellation dorée dans la nuit du monde et à la fois le lieu même de l’exil, mais d’un exil où la clandestinité est une manière d’être, une braise couvant sous la cendre du regard.

Ces poèmes chantent et portent la critique. Critique de la surveillance généralisée dans les couloirs étroits de la mondialisation qui ne peuvent, malgré tout, verrouiller les traits d’azur, l’envol des oiseaux, le cours des ruisseaux et la tendresse de l’aimée… autant de roseraies sauvages et merveilleuses qui font légende et contredisent le spectacle simulacre dans l’âcre d’une planète dégradée et dévastée.

La falsification s’étale quand la réalité du temps est remplacée par la publicité du temps. Mais il n’y a pas à se fixer dans la nausée ou dans l’angoisse quand la poésie, cette extrême jouissance de langue, impose l’intime de l’intime, autrement dit s’ouvre à un pur dehors. La voix polyphonique entrecroise les énonciations pour mieux s’opposer au recouvrement du chant par le spectacle et pour qu’au présent sombre de l’être-là englouti sous l’être de surface surgisse une renaissance infinie.

C’est un travail de Sisyphe qui doit sans cesse nettoyer les discours vides de notre postmodernité, mais le sentiment de la perte ou des limites répond au désir de traduire le dehors, par des unités de souffle, resserrées ou déclamées et toujours fidèles aux légendes, aux mythes et au Livre qui font retour.

J’ai habité tous les reflux
celui du monde grec et du monde latin, celui de la
religion universelle,
celui de la promesse des bonheurs et confort, celui de
vouloir l’imposer, celui
voulant le plein emploi et la croissance infinie,
j’ai habité le feu
et même l’extinction des feux (…)

Le poème de Garnier-Duguy nait de la concomitance du regard et de l’écoute – de son inscription historiale et légendaire – et de ce qui fait obstacle dans la répétition marchande. Car, à notre époque, la gestion de l’amour a remplacé l’amour, son appel et son débordement. Or, le livre d’or, est bien fondation et floraison, il dévoile, malgré nos oublis, ce que l’on savait et sentait déjà.

Pascal Boulanger