Christian Désagulier introduit ici le lecteur de Poesibao dans l’univers singulier de Guillaume Artous-Bouvet en en donne quelques clés d’accès.
Guillaume Artous-Bouvet, La Divulgue suivi de Aragne et de Merveillement, La rumeur libre, 2024, 104 p., 34 illustrations reproduites en noir et blanc
Voici que Guillaume Artous-Bouvet nous la divulgue en belles pages auprès de gravures d’Albrecht Dürer en fausses rien moins que vraies, poursuit une recherche dont Prose Lancelot (2020) et Glacis (2021) faisaient étapes, trois ouvrages indivisibles sans reste, parus à La rumeur libre Éditions dont le premier de chacun des trois donne son titre à l’ensemble : La divulgue précédant Aragne et Merveillement, Prose Lancelot le Monologue de la forme et Chant de personne puis Glacis les Bêtes sans dieu et Fungi, une procession de titres comme autant de professions de foi dans le prosème général, c’est à dire dans le poème restreint d’alinéas, qu’ils soient volontaires, à tirets ou justifiés..
Ainsi La Divulgue est-elle suivie d’Aragne comme autant d’interprétations d’après arrêts sur dessins exécutés par Sébastien Merandet dans Le château de l’araignée d’Akira Kurozawa puis de Merveillement dont les illustrations d’Arthur Rackham précèdent de leur pouvoir d’émerveillement carrollien diverses scènes choisies d’Alice de Lewis aux adduits mo(t)léculaires, tous trois groupes de prosèmes induisant une chimie du cerveau renouvelée, se lançant défi inverse d’illustrations sémantiques, au point qu’il devienne plausible que leur lecture génère des hologrammes programmés par une intelligence artiste..
Car c’est une langue en français étranger que Guillaume Artous-Bouvet nous propose d’apprendre à lire déductivement les anfractuosités grammaticales potentielles, que l’écrivain explore à la limite de l’entendement, là où se niche de l’expression que le bon usage empêche de s’émouvoir-penser, de pensémouvoir, qui inquiète notre homéostasie, l’état dans lequel les discours d’autorité ne cessent de nous réassurer, une obscurité de langage poétique nécessaire à l’accoutumance oculaire et acoustique pour avancer sans se cogner dans le noir..
La preuve en est de la réussite formelle des prosèmes de Guillaume Artous-Bouvet qu’elle demeure indéfinissable autrement qu’à tourner tautologiquement autour de sa démonstration, comme font les petits poissons dans l’horrible d’un bocal, tout ouïe à nos absurdes vibrations acoustiques transmises à travers le verre et l’eau, autrement qu’à tourner autour d’un centre qui se trouve partout et la circonférence nulle part d’après Blaise Pascal, révèle ce qui, là, s’occulte..
Leur prédisposition nominale absolue me sonne claire comme une eau saline des cavernes amplificatrices que le sème à sème en échos gouttant, glissant l’un sur l’autre, dont les chocs termiques séparant le cristal de l’eau bâtiraient des pyramides stalagmitiques dans lesquelles il me faudrait trouver quelque part près de son centre mythique la chambre de notre langue préparée pour le Grand Voyage, chambre au trésor d’échos…
Voici ce qu’à l’issue de cette remontée, le tuba encore dans la bouche, j’ai recueilli d’hypothèses, tant les poèmes de Guillaume Artous-Bouvet requiert d’apprentissage de langue en immersion, expérience insolite après celles des poèmes de Philippe Beck en ours déboussolé (Ryrkaïpii, Flammarion, 2023) ou ceux apodictiques de Matthieu Nuss (Accablures & enca- (heptaméron), Tituli, 2023), poèmes que ceux de La Divulgue rétrospectivement éclairent au ciel taciturne de notre temps apolyrique..
Les recueils de Guillaume Artous-Bouvet gagnent à être corrélés avec ses essais (Derrida, le poème. De la poésie comme indéconstructible, Hermann, 2022 ; Inventio. Poésie et autorité, Hermann, 2019) en sorte de Deffence et Illustration que La Pléiade continue d’émettre, Pierre de Ronsard de plus grande magnitude, poète de cour gramscien dont on fête cet an le demi-millénaire anniversaire, lesquels essais en « attaquant la langue » (Sartre, Proust, Rimbaud, Hermann, 2015) se démarquent programmatiquement de la Deffence en gants de boxe de Pierre Vinclair qui procède d’une ligne claire comme on dit de celle d’Hergé dessinant Tintin dans Le lotus bleu (L’éducation géographique, Flammarion, 2022 ; Idées arrachées, Lurlure, 2024), et presque désormais toutes et tous épigones poètes écrivants : de grâce, place aux perturbateurs algorithmiques..
Que les prosèmes de La Divulgue soient couplés d’images graphiques comme en toute efficace méthode de langue assumée s’ajoutant aux images de pensée que tous nous demandent d’expérimenter, la semi-obscurité de lecture des précédents ouvrages devient dès lors de pleine lune, qui a ses propres ombres, dont celles confondues de Lancelot et Guenièvre ou de Rodrigue et Prouhèze en Soulier de satin dont l’amour, fut-il claudicant, « fait partie pour toujours des archives indestructibles », l’amour des mots tandis que demeure irrésolu leur cercle où nous sommes pris, Ô..
Christian Désagulier
Extrait de La Divulgue (Aragne p. 37) :
Innove au blanc: ceci. Aube acharne, tu sais. Aube, au
nu. Une foudre d’oiseaux grammatiques. Arbre, a sang:
comme ascendent, nervées, les promesses. N’abrase sur-
rection, de la feuille fantôme. Rotules, d’horizon: n’eussent
strates, glacis. Non qu’arroge prière, au loin pur. Ô, cuis-
sage de pierres, sais-tu. Ô, l’innu. Lente lente veloute,
forêt: lente stèle du vert. Lente, scrutation. Où foisonnent,
mammaires. Herse, au lieu. Apurante la ville lentement
la merveille murée, qui sabat. Bulbe, d’empierrement,
dans le tiède: en vitrail. Y, dormance tuilée. Y, rousseurs,
comme cousent. Y, le rite où respire. On suture la faim.
On maisonne les ciels, et comme calcifiant: en voussures.
L’ange aux lèvres de soif a passé. L’œil a lieu. Clos jaspé,
d’évidence. Face tellure plie: comme boue mouvemente
douceur. Bas d’herbage: 6 falaise, peignée. Dense, à peine,
pour pas: comme d’aile apesante. Il: a plomb: monde
loin: bu, brouillard. N’envoûte penchement. Clé: tenir,
et tenir, si magnétiquement : dégrave panneton. Terre, en
trou, comme gonde dedans. Basse bête chaînée, dégra-
dable: muscule, croupissant. Engravée: botte blanche,
griffue : ongulante poussière, du vœu: soufre d’œil: une
face, cabrée: cunnilingue. Tronc femelle s’écaille lourde-
ment, Coule, en colire, le joug: où diabole ridée rit encore.
Guillaume Artous-Bouvet, La Divulgue suivi de Aragne et de Merveillement, La rumeur libre, 2024, 104 p., 34 illustrations reproduites en noir et blanc