Gérard Berréby, “L’Imparfait du subjectif”, extraits


“Un peu plus fébrile à chaque pas”, écrit Gérard Berréby dans “L’imparfait du subjectif” qui paraîtra en avril chez Allia.


Gérard Berréby, “L’Imparfait du subjectif”, éditions Allia, 2023, 128 p., 7,50€ – à paraître le 7 avril 2023


26

bruits de la nuit
à la poursuite du vent
chant sans plus de paroles
porté par les dieux
de l’autre côté du cerisier
jamais visible tout entier
depuis mille ans déjà
les choses les jours les formes
si loin du présent
sécrétés par le vide
défaut de la vie
jusqu’à la fin de la vie
dans un livre de pierre
immensité indéfinie

*

29

un peu plus fébrile
à chaque pas
un peu plus inquiet
à l’approche de l’hiver
la nuit
les chats sont verts
et s’emmêlent
dans les lianes de glycine
comme ça
d’un coup
puis un peu plus tard
le reste a suivi

*

45

la menace frappe
un monde cerné de toutes parts
où la souffrance ne fait que croître
jeunes et vieux
sans distinction aucune
exposés aux fléaux
calamités
aux dix plaies d’Égypte
manie morbide
du mépris à l’œuvre
inquiétante et sinistre
bêtise abyssale

*

52

L’insolence de l’étoile
file
fulgurante
s’éteint
la beauté ne disparaît pas

*

59

le plaisir de sentir
son poids
la masse de l’âme
dans l’appui au sol
sous la lune en rodage
vertige de la chute
fougueuse furieuse
loin du monde à l’entour
au bord d’un flot qui passe
novembre en forêt

*

91

les arbres et les fleurs
les grosses rouges
sensation idéale
le bois la mousse
la pierre le champ
senteurs brunâtres
dire pour les fleurs
acte en avant
projection de mémoire
d’une histoire ancienne

*

96

extinction
adieu crapaud doré

Gérard Berréby, L’Imparfait du subjectif, éditions Allia, 2023, 128 p., 7,50€ – à paraître le 7 avril 2023


Sur le site de l’éditeur
Dans le courant des vers libres, sans ponctuation ni majuscule, des poèmes se succèdent.  Ils tissent le récit d’un conflit à la fois général et intérieur. Et si tout est ambivalent, il n’en faudra pas moins tout dire. Le serein comme le sombre, l’équilibre et le déséquilibre, le scintillement et la blancheur mortuaire…
Dans la ville, la violence affleure : le sac de Rome, la guerre et les démons. La profondeur et la richesse que l’on peut trouver dans les choses se heurtent continuellement au malaise, à la confusion, à la noirceur et à la solitude de l’existence. Puis, doucement, tout s’illumine. L’unicité et la beauté des gestes, du phrasé, du corps féminin, la magie des noms, des visages, apportent quelques nuances d’apaisement… Toujours empreints de l’impossibilité de dire, les mots deviennent abandon à la sérénité et au brouillard. Face à la perte inéluctable, les poèmes de L’Imparfait du subjectif rappellent que l’imagination reste le refuge le plus sûr.

Gérard Berréby, né en 1950, a fondé les éditions Allia en 1982. Il y a notamment publié les œuvres de Leopardi, dont la première édition en français du Zibaldone, traduit par Bertrand Schefer. Il a publié quatre livres de poésie. Il a également une activité de plasticien