Elisabeth Foch-Eyssette, “Guide anachronique de la neige”, lu par Isabelle Baladine Howald


Isabelle Baladine Howald nous entraîne à sa suite dans cette belle évocation de la neige, proposée par les éditions Arléa.


 

Elisabeth Foch-Eyssette, Guide anachronique de la neige, Arlea, coll guide anachronique, 2023, 153 p, 21 €.


« Il neige… mais qui neige ? » est la première interrogation du livre d’Elisabeth Foch-Eyssette paru chez Arlea et le place d’emblée sous le signe de l’expérience métaphysique.
Qui ? Personne, serions-nous tentés de dire avec un sourire dû au double sens de ce nom commun, à la fois personne/aucun, et personne/quelqu’un. Quelqu’un neige-t-il ?
Cette vision est tellement merveilleuse : « la neige mérite de la délicatesse… ».

Le livre, publié dans la collection « Guide anachronique » où est paru récemment un volume sur Kyoto, est à la fois une célébration de la neige autant qu’une inquiétude sur sa possible disparition.
Déjà nos hivers n’ont plus rien à voir avec ceux de nos enfances. Comment oublier la première chose que signe la neige : son silence si particulier, le « silence nival » …
Comment ne pas aimer neige, snow, Schnee, les mots si doux… « lucioles d’hiver »
L’enfance bien sûr, baigne tout le livre, les souvenirs proches de ceux que nous avons tous, et ici en compagnie des écrivains japonais en particulier, des tableaux avec ce blanc si blanc que Kawase (en couverture) qui ressort même sur du blanc… Dans ce livre la neige, Yuki, est souvent japonaise puisque dans ce pays les fleurs tapissent les allées dès la fin de l’hiver…
La neige comme les vacances d’été est comme un seul souvenir pour tout le monde, comme une chanson peut l’être…

Les découvertes les plus étonnantes pour nous néophytes, sont celles de scientifiques comme Kepler, Nakaya – il découvre 41 types de cristaux ! – ou d’un photographe comme W.A. Bentley – plus de 4000 clichés !!-, leur douce folie chercheuse, leur amour insensé pour le flocon, tous d’accord sur un point : aucun flocon n’est le même !!!
La neige est avant tout une image, et comme le dit l’auteur « on n’est jamais tranquille avec les images », de plus une image immédiatement intériorisée.
La neige est aussi une sensation, ce point froid sur la peau, on tire la langue, elle s’évanouit tout de suite. Sa disparition constante est fascinante.
La neige est à soi, malgré l’universalité de l’émotion qu’elle déclenche, quoique certains l’aient en horreur !
Cette image, expliquant la démarche d’un Kepler, Elisabeth Foch-Eyssette en parle ainsi : « le flocon disparaît en une seconde mais cette seconde lui laisse entrevoir un autre versant de l’univers ; le visible, comme ce qui n’est pas, ou pas encore, ou plus. »
Ce peut donc aussi être la mort, comme en montagne où cette légèreté blanche se transforme en plomb sur les corps. La neige est lourde, une fois tombée à terre.
Mais « où part le blanc à la fonte des neiges ? » se demande Elisabeth Foch-Eyssette à la manière des enfants ?
Cette grande voyageuse, déjà auteur de l’Éloge des voyages et du repos chez le même éditeur, regarde les tableaux et lit les livres avec le même regard profond, elle sait observer avec un mélange d’acuité et de légèreté.

Je fais partie des fondus de la neige, nous sommes quelques-uns à avoir « la neige émotive », à ne pas se lasser de relire Tintin au Tibet, écouter Le voyage d’hiver, à imaginer la dernière promenade sous la neige de Robert Walser.

« Anne ma sœur Anne ne vois-tu rien venir ? », si, une libellule des neiges… mais ça n’existe pas, nous précise l’auteur tout en y rêvant ? Oui mais ça pourrait. Une libellule et un flocon de neige aux vols erratiques, c’est la même chose.

Isabelle Baladine Howald

Elisabeth Foch-Eyssette, Guide anachronique de la neige, Arlea, coll guide anachronique, 2023, 153 p, 21 €, à offrir sans modération !
Sur le site de l’éditeur.