L’histoire de l’homme en bleu, d’Edith Msika


Une lecture de L’homme en bleu, d’Edith Msika, éditions Julien Nègre, par Théo Sigognault. …


Édith Msika et Laurence Garnesson, L’homme en bleu, édition julien nègre éditeur, 2022, 24 pages, 15€.

L’homme en bleu, d’Edith Msika, illustré par Laurence Garnesson, publié en octobre 2022 aux éditions julien nègre éditeur, consiste peut-être en une réflexion poétique portée sur le mouvement. Par mouvement, s’entend déséquilibre. Par mouvement, s’entend harmonie. Au travers d’une pérégrination proche du roman policier, l’héroïne assiste au meurtre d’un cycliste. Nous entrons dans la psyché de la protagoniste. Laquelle œuvre d’interprétation, de supposition; de schèmes subjectifs d’investigation du réel, afin de comprendre le monde et les événements qui la touchent. Loin de s’en tenir au fait circonscrit comme preuve, l’héroïne meut chacun de ses faits et gestes à partir de croyances très personnelles en vue de résoudre les énigmes qui lui sont soumises par les hasards de l’existence. Où allait le cycliste ? Que s’apprête à faire ce couple d’amoureux en balade ? Autant de questions peut-être venues à son esprit comme des signaux d’une autre quête : celle de sa propre vérité ? Au-delà des couleurs et des formes, au-delà des sons; des apparences, l’humain connaît-il une fin ? C’est-à-dire : saurait-il se rencontrer ? Mettre un terme à la course désespérée et claudicante qui nous anime continûment ? Une telle recherche de sens ou d’absolu trouvera-t-elle un accomplissement dans ce livre ? Du sens aux sens, quelle vérité se cache derrière tant de mouvement, de violence et de désespoir chez l’humain ? Où se trouve le « nous même » ? Serait-ce d’une vie refoulée que l’on se fait ici une quête pour mieux déboucher sur un accord parfait ? Ce texte, aussi métrique qu’évocateur, aussi narratif que poétique, semble émettre un message d’espoir dans le corps et sa dualité. Dans la matière et son universalité. Les illustrations collent à la « peau » du texte. Elles l’accompagnent et lui répondent comme des enluminures, des cadres ou des toiles qui déplacent le mouvement des lignes écrites. Les éléments d’illustration, évoquant des photographies prises au microscope, sont tout autant géométriques que viscérales. L’œil peut suivre des lignes tantôt courbes, tantôt cassées. Générant un mouvement harmonieux, discontinu et non conceptuel. Ce qui est représenté n’imite pas ou ne commente pas mais s’inscrit comme une prolongation et comme un départ de l’écrit. Le tout fait preuve de distinction. Le corps, le mouvement, la beauté ou le crime sont abordés avec l’élégance d’une pensée qui danse. Avec l’audace discrète et le charme d’une révolte douce mais certaine.

Théo Sigognault

Édith Msika et Laurence Garnesson, L’homme en bleu, édition julien nègre éditeur, 2022, 24 pages, 15€.


Extrait:
« Dans l’anfractuosité d’une pile du pont, elle reste frappée par un homme à terre, voluptueusement allongé sous une couverture aubergine, et semblant pensif. Sa grande chevelure éparse et probablement très pouilleuse entoure un visage qui lui rend l’idée du bonheur curieusement accessible, là, ici, maintenant. De la majesté naturelle. De celle des personnages de Rembrandt.
Il est sorti d’un tableau de la salle du Louvre, sans rien dire, et s’est installé là. On peut s’installer et rester là, au ras des pots d’échappement ou si peu au-dessus, ne plus partir, ne plus chercher, ne plus errer. » (p. 14)