Ariane Dreyfus, “Nous nous attendons” et “Iris c’est votre bleu”, extraits


Ariane Dreyfus est accueillie dans la belle collection Poésie / Gallimard avec” Nous nous attendons” et “Iris c’est votre bleu”.



Ariane Dreyfus, Nous nous attendons, précédé de Iris c’est votre bleu, préface de Françoise Delorme, bibliographie commentée de Stéphane Bouquet, Poésie-Gallimard, n° 575, 2023


Parfois les poèmes se passent de commentaires…


La collection Poésie/Gallimard accueille ce printemps Ariane Dreyfus avec deux titres en un volume Nous nous attendons/Iris c’est votre bleu.

Il m’a semblé qu’il n’y avait rien à ajouter – qui ne l’abimerait ou qui apporterait quoi que ce soit – à la lecture de ce très beau livre, avec la préface fine et profonde de François Delorme, la biographie commentée par Stéphane Bouquet, les poèmes comme protégés entre celles-ci et les Chantiers de poèmes avec le si beau Cerises interlocutrices, évoquant la naissance d’un poème, ses différentes versions.
Nous avions d’ailleurs eu ensemble un long entretien sur sa poésie au printemps dernier.

Ces deux recueils réunis sont sensuels, doux et brûlants à la fois, tant d’un équilibre aussi émouvant que solide au final et Ariane  Dreyfus, si attentive aux détails, à la vie concrète, au sort des nombreuses détresses de notre monde, explore avec tant de patience les jours et les nuits, les combats à mener et, avec tant d’amour,  le corps de son autre.

Nous proposons donc des extraits :

Choix d’Isabelle Baladine Howald.




De temps en temps, se redresser aussi,
Soi-même se redresser.

Ce que le vide devient ?
Un buisson comme un autre,
Bruissant.

Là n’est pas encore le mystère.

C’est quand
Les gestes mêmes fatigués ont perdu leur ombre
A la chaleur.

C’est quand
Ta paume se lève un peu pour m’amener contre toi
Contre ta tête.

Nous sommes sur cette terre si fragile quand nous l’aimons.

Tu fermes les yeux ?
Ah oui, je ferme les yeux aussi, nous sommes
Les deux visages enchantés.

*

« Crois-moi »

Le pont a un très beau corps
Elle se penche si près

La ceinture ouverte ceux qui passent ne voient rien
Que la ramure presque noire

A son tour l’arbre recevait l’ombre
Il fait si froid près du pont

*

« Peut-être »

Sur l’oreiller la joue fait commencer le visage

Quelqu’un chauffe la terre de son corps
Son épaule fait glisser, obéissante,
La couverture au poids presque vivant

Aux courbes ses lignes, d’orange et de rouge continues
Se perdent, se rencontreront, touchent les losanges noirs, les uns repoussés doucement dans un creux,
D’autres tachés de soleil jusqu’aux pieds découverts

Ne laissant rien de mémoire se tordre

Ariane Dreyfus, Nous nous attendons, précédé de Iris c’est votre bleu, préface de Françoise Delorme, bibliographie commentée de Stéphane Bouquet, Poésie-Gallimard, n° 575, 2023 272 p., 9, 10€, pp. 37, 146, 171