Poesibao propose ici un substantiel extrait du poème Ancézune, choisi dans le livre « Les Fulgurés de Pierre Drogi paru dans la collection des Cahiers du Loup bleu, Les Lieux-Dits
Ancézune
des étourneaux peu discrets
disputent encore entre les sureaux mûrs
ils controversent à propos
des corps et des lots
chaque mot détaché
déposé comme un être
à tout hasard
réceptacle de la foudre
les bandes brunes du fond se voient le fond
se voit comme bandes brunes à la
limite des frondaisons .
une lumière éparpillée marbre le sentier
bossu et raviné (ravelé) lucarnes
ouvertes de tous côtés où glisse un
bout de fleuve .
s’achève d’elle-même
la fin des bouillons-blancs aspirés par la pointe
s’affirme le pullulement des chardons mûrs tapissant le sol de
leurs flocons agglomérés
en touffes herbues tombées du peigne
chaque lot est alloué à un corps
volée de moineaux francs dans les églantiers
en volée franche – pris dans les aulnes
martin-pêcheur sur sa ligne dérangé
flux lent de poussière et de flocons inexorable
grince un seul héron par-delà la raideur des arbres .
•
Pluie abondante et odorante : lauriers , pins , cyprès et figues .
Ancézune , à Caderousse .
les jointures de la grille
les opercules des murs
le vent vivant agite
c’est au dehors et
dedans , dans la chapelle
en ruine au bord du
lac salé
où les amants
se noyèrent ,
les raideurs en pointe
griffes
luisantes et mates d’un côté
chacune découpant l’ombre
d’une autre dans l’épaisseur-matière .
(…)
Pierre Drogi, Les fulgurés, Cahiers du Loup bleu, les Lieux-Dits, 2022, 54 p., 7€