Albane Gellé, “Abécédaire de vive gratitude”, Patrick Dubost, “36 mercis (+1) comme 36 chandelles (+1) sous un ciel étoilé”, lu par Carole Darricarrère


Carole Darricarrère explore les deux côtés de ce livre tête-bêche, “écrit à deux voix, à quatre mains, en parité belle.”



Albane Gellé, Abécédaire de vive gratitude, Patrick Dubost, 36 mercis (+1) comme 36 chandelles (+1) sous un ciel étoilé, LansKine, 2024, 64 p., 15€




« Merci aux bords, aux brèches, aux bouts de ficelle, aux boulevards de l’océan, aux bourdons, aux bonheurs du jour, au beurre salé, aux bassines en zinc, au bleu-noir des myrtilles, aux baisers les yeux fermés  (…) », à Albane Gellé ; « Merci à tout ce qui existe / sans trop se donner à voir. / Merci à tout ce qui se répète / & n’est jamais deux fois. », merci, oui, à Patrick Dubost.

Dans la lignée d’un compte à rebours oscillant entre la lettre et le chiffre, l’infini et le zéro, le ver de terre et l’éther, le trivial et le merveilleux, la pluie et le beau temps, le dit de la parole et la musique des sphères, recto verso en miroir & tête- bêche,

Comme autant de lancers de dés fibrillant furtivement en hommage à la poésie native de la fêlure en circulation confidentielle dans le monde,

À mi-chemin de la liste et de la récitation tilleul et menthe,

À deux voix, à quatre mains, en parité belle, dans le droit-fil désuet du cercle intime des vertus évanescentes et des pratiques surannées au rang desquelles situer en bonne place la poésie,

La gratitude est l’expression d’un élan syntone de reconnaissance spontanée et le sceau d’une sensibilité vive qui entretiendrait des affinités secrètes avec le vivant, fruit d’un certain regard embrassant tout le réel, ce qui est en haut comme ce qui est en bas, soit ces « petits riens / et (ces) grands touts / qui ne diffèrent / que de très peu. » (P.D.), à l’image de ce qui « se déploie, se délie, se déplace » (A.G.), se « devine & (…) nous échappe » (P.D.),

La gratitude étant à la fois un moteur d’émerveillement et un motif de contemplation,

Le livre un chapelet de perles à égrainer humblement du bout des lèvres en éloge au bon sens qui fait du bien, au fil du temps, au gré de nos humeurs, à corps et à cœur,

Presque (mais si), un livre de prières (de célébration), malicieux, païen, poétiquement éthique, pour tout public (de 7 à 107 ans), dans lequel piocher à loisir & semer sans modération la grâce d’être vivant,

Soit le ruissellement d’une plénitude d’échos à destination du grand vide d’où chaque forme tour à tour émerge et se consume entendu comme « une ordonnance de poésie » (A.G.)

Une invitation à laisser germer,

(dès lors que le soleil et la lune ont rendez-vous dans le livre, que l’harmonie y induit la paix, la paix le bien-être qu’apporte le goût authentique des choses simples que l’on dit vraies)

Page à page, sur la tranche des livres fleurissant le rebord de nos étagères,

Une composition botanique d’instants volés à la faveur des sens,

À destination d’une cartographie du tendre distillant foison les précieuses alliances de ses notes de grand repos,

L’empreinte furtive d’une hermine dans l’oreille solide d’un sourd,

Le fragile fracas d’un faune poursuivant entre toutes filatures quelque frémissant sanglier,

Le tango du yin et du yang à même l’alphabet à concurrence d’une éclaircie, lampe d’Aladin d’un livre sapientiel que l’on dirait d’oracles,

Laisser mûrir, oui sans y toucher, la possibilité d’un instant de grâce de part et d’autre d’une page blanche !


Carole Darricarrère