4 poèmes de “Lirisme” d’Aurélie Foglia

Dans l’anthologie permanente de Poezibao, quatre poèmes du livre Lirisme d’Aurélie Foglia où l’on découvre que la poésie n’a plus ses règles depuis plus d’un siècle

Aurélie Foglia publie Lirisme aux éditions Corti.


La poésie n’est pas
racontable

intrigue
c’est un fait

le compact de la prose ne me fait pas
l’effet physique des vers

c’est quelque chose qui fait
quelque chose

/

c’est chant la poésie

n’a plus ses règles depuis
plus d’un siècle

rajeunissant d’être peut-être
à force d’être

moins répandue que les
mots en général

tu parles sur le tard d’une
technique éculée ou plutôt
d’un art mis au point du
lingus

dans ce goût-là

/

je dis juste

qu’un poète

sert à s’enrichir

initie à ce que vous savez

avec son spray

montre comment

jouir sur une fleur

se rendre compte

d’un gravier

depuis votre avion

/

j’y vois comme vous
et moi la myopie guette

sous les phrases voyantes des choses
sont là mais on ne me voit pas à travers

vue que je donne à voir l’œil
qui est derrière mon regard devient le vôtre
un livre s’y prête

les pins grimpent comme des écureuils
une table fait planche
sous le cèdre ciel

soudain toutes les fleurs on sent
qu’elles sont faites pour

se recueillent à la source d’être pas
sagères attention les heures sont
aux manettes

il est rare qu’une fleur s’élève
à la hauteur d’un arbre est trop loin
de la mer pour l’imiter

même s’il stagne étincelle sur place
eau en faux feu
dans son lent balancement approchant

lire serait lancer une passerelle à temps
pour sauter

mettons tout ce qui tient du pont entre
coupé

/

il n’y a pas de mots pour tout

il n’y aura pas assez de mots pour tout
le monde

même si certaines peuvent faire double
emploi la poésie remédie comme elle peut

la pauvre qui vole à pied

voilà ma chasse aux choses est
presque finie je
ramène de quoi meubler le blanc

mendiant au lecteur son histoire
d’éclairer un peu le moment


le soir la lumière n’a pas su


Aurélie Foglia, Lirisme, Editions Corti, collection domaine français, 2022, 208 p., 19€, p. 93-97

Sur le site de l’éditeur
« Lirisme » s’écrit ici avec deux i : non, il n’y a pas de coquille laissée dans le titre. Voici un livre de la lecture. Ni noms ni œuvres : le parti pris de ces pages n’est pas celui de la réécriture ni du répertoire. Ce que Lirisme invite à ausculter de poème en poème, c’est une culture du livre, et son impact.
Ce néologisme, lirisme, propose donc de déplacer la question de l’ancien lyrisme avec y et sa nébuleuse romantique vers une théorie de la réception contemporaine. Si l’instrument du livre chante encore, c’est une autre musique. Quel rapport se noue à l’auteur ? Comment entrer dans un livre ? Faire sien un récit ? S’identifier à un personnage ?
Même s’ils ont tendance à devenir plus rares et moins actifs, les microorganismes que sont les livres restent inscrits dans nos corps. Ces dispositifs offrent des formes de vies illimitées, aussi vastes, variées et vraies que fictives. Ils nous apprennent et nous parasitent. Ce sont de formidables distributeurs d’expériences.