Vincent Wahl a proposé à Poesibao cet hommage à Werner Lambersy qui complète le dossier précédemment publié sur le site.
Une Architecture – Nuit aléatoire – pour toi, Werner
Ton témoignage – le dernier – il faut l’examiner (le soupeser ? ) honestly
quoi qu’il en coûte
– (song of the bowmen of Shu
Ezra Pound)
mémento de ce chant Lambersy
Souviens-toi dit Werner
C’est échu/sans que je sois
déchu/ni déçu –
et pourtant il me restait tant de choses
à voir
et je veux que tu gardes en mémoire
que j’ai vécu
intensément
mon absence ne peut épuiser l’excès de ma
gratitude
La frise des archers
je m’y adosse
archers de Shu – Retour de guerre – et plein le dos les pattes
éreintés efflanqués – mâchonnant de jeunes crosses de
fougères – tout fut vain
car eux ne mentent pas contrairement aux fières
processions achéménides que l’on peut contempler au Louvre
Our mind is full of sorrow
Derrière moi le mur des archers
et par devant le soleil déjà déborde
de tous ses rouges engloutissants
Dans cet étau voudraient m’enfermer quelques
statues de commandeurs tristes
Ezra Pound au fond de sa gondole noire mort exilé par la même bonne conscience
qui a recyclé les nazis immigration
choisie
sans doute aussi celui qui aimait et n’aimait pas ce Lambersy Adolphe –– mon père
Mais nous
aurons chanté
dansé bu ri et loué de n’être plus là
N’avoir pas toujours été là quand il fallait quand on pouvait
est bien pire
et sans remède
le désir reste inassouvi mais vit au moins de sa propre flamme
D’ici là n’oublions pas
ce seize novembre vingt-deux – il aurait eu ce jour même une et octante années
Nous étions cent et plus dans l’hôtel de Massa – maison des Gens de lettres
fantassins forçats d’écriture, zeks riverains
Mémento de rencontres d’adoption (universelle)
de livres trouvés reçus ou conseillés les siens (la toilette du Mort – Rubis sur l’ongle – Ulysse etc..), ou ceux des autres (François Emmanuel – La question humaine )
d’encouragements à y aller, à persister
et finalement un exemplaire du mémento des archers que tu m’offris et commentas chez toi
début juillet 21 – comment aurais-je imaginé que ce serait la dernière fois
Onze ans seulement depuis notre première conversation sur le pavé de Metz
il y eut avant une brève accolade au marché Saint-Pierre
et surtout en 2004 André Velter entendu sur l’aire de la Talmouse (sens Metz-Paris, autoroute A4) lisant à la radio des vers en éclats d’obsidienne et ce nom : Werner Lambersy
qui toutes affaires cessantes m’ont renvoyé à mon libraire – mais de cet auteur il n’a rien trouvé
C’est grâce à Alain Kewes plus tard que j’ai rencontré les livres puis lui-même
comme s’il avait toujours été là
Je sors rue du Faubourg Saint-Jacques – la ligne 4 bientôt va s’arrêter
un cycliste épargne la pomme rouge que je vais ramasser dans le caniveau
mouillée de pluie –
quelques jours plus tard ce sera un poivron rouge rue de Varenne
ainsi Varda s’ invite, en voisine.
Le boulevard Arago et ses contre-allées
sont un arc tendu, de la frénésie Denfert-Rochereau à l’oxymore ensommeillé de la Santé
une architecture-nuit à ta façon – contingente
quelques couvents, l’Institut protestant de théologie
l’Observatoire l’Institut d’astrophysique et leurs jardins
d’énergie noire
Un concessionnaire Renault – anachronisme – et le DEFAP – ancienne société des missions évangéliques, culte le mardi à neuf heures – bibliothèque
Enfin cet immeuble cossu – aux marbres verts j’y avais rendu visite une fois, avec Jean-Marie Beaudoin, à mon ancien voisin de palier du 212
avenue du Maine photographe amateur – déjà veuf à trente ans – héritier de sa femme
il l’avait rencontrée – passion commune pour la photo – à son retour du Ladakh, très mal en point
je l’ai croisée deux ou trois fois – sourire qu’on n’oublie pas, boucles auburn – mais quel était son nom ?
Werner :
On meurt / de la promesse des perroquets/ du salut et
Nous n’écouterons aucun dieu/coupable/de ses interdits
Mais ce que j’ai reçu boulevard Arago c’était différent, respectueux, peut-être même audible pour l’athée provisoire ou même plus convaincu des archers
la protestation sociale dans la prophétie d’Amos (Françoise Smyth) ;
les orthodoxies, des hérésies qui ont réussi (Jean-Daniel Dubois) ,
l’emprise sacramentaire démontée comme une techno de pouvoir – et Bonhoeffer :
Les discussions sur les limites humaines me sont devenues suspectes (la mort elle-même, que les hommes ne craignent plus guère, et le péché, qu’ils ne comprennent plus, sont-ils encore de véritables limites ?) J’aimerais parler de Dieu non aux limites, mais au centre, non dans la faiblesse, mais dans la force, non à propos de la mort et de la faute, mais dans la vie et la bonté de l’homme.
Et c’est depuis le mur du fond sur la petite rue Messier, que taulards, les nationalistes algériens furent informés des accords
d’Evian (théo courant ?)
C’est une question d’honneur de s’en prendre aux Saigneurs (dirait Demarcq)
Architectures-nuit
juxtapositions
aléatoires
Près de là aussi la rue Jean Dolent (son nom l’indique) et mes premiers rounds psychanalytiques.
On se démerde comme on peut… l’esprit de Cendrars en somme – dont J’ai aimé qu’on me rappelle qu’il fut ton père en écriture, de même qu’ Ezra Pound puissamment équivoque, depuis sa cage de fer
Et toi qui joues contre ton ombre
D’une maison des gens de l’être
zek-riverains, nous échappâmes
soyons plutôt gens d’existence peut-être un peu dilettantes
soyons soyeux – même en haillons
soyeux joyons
Vincent Wahl
27 décembre 2022
Architecture Nuit – titre d’un recueil de Werner Lambersy Ed. Phi, coédition avec Le Noroît & Les Eperonniers, Echternach (Lu), 1992
Song of the Bowmen of Shu – poème chinois traduit par Ezra Pound – CATHAY – 1915
Mémento du chant des archers de Shu – recueil de Werner Lambersy, Ed. Maelström Révolution – Bruxelles, 2021
Ezra Pound au fond de sa gondole noire – allusion à Ezra Loomis Pound, dans Werner Lambersy, La Toilette du Mort suivi de Ezra Loomis Pound L’Age d’Homme, Lausanne, 2006
Qui n’aimait et n’aimait pas …, dans La Toilette du mort cf. supra
Mais nous aurons chanté etc… dans Werner Lambersy, Mémento du chant des archers de Shu, cf supra, p. 38
Agnès Varda Les glaneurs et la glaneuse, film documentaire. Elle habitait rue Daguerre et la fondation Cartier, bd Raspail abrite un monument virtuel à son chat.
Rubis sur l’ongle : recueil de Werner Lambersy – Hermaphrodite – Nancy – 2005
La toilette du Mort, Werner Lambersy : cf. supra
Dernières nouvelles d’Ulysse, Werner Lambersy, Rougier, 2015
On meurt / de la promesse des perroquets/ du salut WL – Mémento …, cf. supra, p. 19
Nous n’écouterons aucun Dieu coupable de ses interdits WL – Mémento … , cf. supra, p. 40
Les discussions sur les limites humaines me sont devenues suspectes, etc.. Dietrich Bonhoeffer, Résistance et soumission, Labor et fides , Genève, 1973, p. 290
Théo courant : revue étudiante de la faculté de théologie protestante de Paris, vers 1984