Isabelle Baladine Howald traverse ici pour les lecteurs de Poesibao le troisième livre d’Oliver Vossot, “Fils”, livre d’un deuil difficile.
Olivier Vossot, Fils, la Crypte, 2023, 99 p, 15 €
« Je suis de toi-même le souvenir qui meurt »
Troisième ouvrage d’Olivier Vossot après Personne ne s’éloigne à l’Echappée belle (2017), Prix du premier recueil de poèmes 2018 de la Fondation Labbé, et L’écart qui existe aux éditions des Carnets du dessert de lune (2020), voici Fils aux éditions de la Crypte. On retrouve cette teinte comme lavée, propre aux livres d’Olivier Vossot, cette douceur et ce désarroi.
Ici c’est le père qui est pleuré par un enfant qui lui-même pleure. En effet l’enfance fut d’une extrême dureté, sans amour et avec violence. Le poète tente de dénouer les fils dans lesquels le fils qu’il est, est perdu, entortillé mais sans attaches.
Enfant dans l’ombre qui devient l’ombre de lui-même dans celle du père noyé d’alcool :
jour de verre brisé
l’étroite maison où tu erres
me serre en elle
Ta voix bégaie, nuit éteinte,
les mots de l’enfant sans voix
je n’ai pu être à moi-même
mon propre père ni ne t’ai voulu
enfant
Tout échappe, dès lors, rien n’a de consistance, ni le corps (« mon corps est descendu en moi »), ni la tête ( « Tête traversée par la nuit, il ne s’agit plus seulement de durer »), la pensée (« tu n’es même pas mon souvenir »). La douleur enfantine pourtant ne renonce jamais à l’amour de ses parents :
quelque chose encore en moi
surnage et te cherche, ta douleur nue, sans nom
il n’y a eu qu’elle,
il n’y a personne
Ce livre qui dans un titre évoque la brûlure est pourtant noyé. La pluie, les larmes, ce qu’il y a dans les verres. Le père lui-même mal aimé ne sait pas aimer son fils. Celui-ci erre, cherchant à passer « la ligne invisible », « vais-je encore me quitter moi-même », « je suis de toi-même le souvenir qui meurt » :
je tire sur un fil sans commencement ni fin
nulle place assignée
ni bords ni noyau
ne pouvoir vivre rien
…
« Aucune trace de ma propre image, comme si je n’existais pas. »
Pourtant l’écriture. Elle décrit le visage mort, la posture renversée. Le temps commence à passer. « De quelle lenteur je me détache », les fragilités se ressemblent, au fond. Les pères ont aussi été des enfants. C’est cela que le fils aperçoit, comme l’ombre du pardon qui approche.
Isabelle Baladine Howald
Olivier Vossot, Fils, la Crypte, 2023, 99 p, 15 €