Ma phrase…. par Claude Minière


“Tout ce qui n’est pas poésie à mon cœur sonne faux. Les biographies, les romans, les sociologies. Seuls les poètes…”


Tout ce qui n’est pas poésie à mon cœur sonne faux. Les biographies, les romans, les sociologies. Seuls les poètes savent que Dieu est amour ; mais ils ne savent pas ce qu’est l’amour. Au moins savent-ils qu’ils ne savent pas.
Je pousse la phrase, je la force à devenir une phrase, à se faire, à s’expirer. Elle avance à travers les gravats et les cailloux, à travers le lait caillé des clichés et les dépôts fossilisés. Je ne veux plus de ces « coups du sort » (les fragments, les jeux-de-mots), je veux avancer la logique rétive, la pousser dans ses retranchements. Et, miracle, après une phase d’obstination, elle accepte. Elle me roule (neuve et rusée). La phrase heureuse.
En fait, je n’y suis presque pour rien ; c’est elle qui a travaillé sur elle-même, en elle-même. Elle ne voulait pas y aller, va-t-elle vers sa mort ?  Elle est naissante et… Elle pointe.
J’avance dans ma phrase et la laisse aller seule. C’est une fête, un « bœuf », quand elle est juste elle varie. Flaubert, je crois, par expérience, voulait dire ça : la phrase, ma damebovarie, c’est-moi.

Claude Minière