Carte blanche à Mathieu Nuss, à propos de “Dans le retrait des granges” de Christian Sapin


Christian Sapin, Dans le retrait des granges, Cheyne éditeur, 64 p., 17€


            Notes prises à la mi-août, concomitantes à une lecture ensoleillée, et qui depuis me regardent, éparses sur le bois de la table, bien à l’abri de l’humidité des mois en –bre.


            Retrait, clandestinité même : « Les granges n’ont pas d’adresse. Pas de numéro affecté à leur angle. Pas de nom d’impasse à l’entrée du sentier. Elles sont isolées de la parole. Du lieu-dit. Elles disent le lieu en traversant l’histoire des Hommes. » ouvre Christian Sapin.


            Granges donc, qui font l’entrée en matière.    Angles morts.


           Figures aujourd’hui de l’absence, qui étaient si chères à un Bonnefoy, ou à un Jaccottet, ces granges n’ont « plus rien à engranger désormais ».


            Voilà qui plante un décor de lumière crue, de lumière zénithale, de frênes et de noyers, de prés et de céréales.


            D’hors les chemins.


            Bruit de buse, de porte charretière. Absence qui concerne.

           
          La voix s’insinue aux granges tantôt visitées, tantôt ressouvenues, elle leur co-existe. Elle les restitue avec douceur, dans la douceur même où elles se sont progressivement tues dans le paysage.


            Signes encore parlant tirés du silence. Empreintes de jadis.


            D’une campagne ayant retournée sa terre. Comme d’une langue alors, qui se situe dans de la pure mélancolie.


            Redoux de flashs mémoriels qui valent d’être convertis dans l’écriture.


            L’ensemble évolue, comme à la vitesse d’un vélo curieux arpentant les chemins de campagne.


          Langueur égale, repos des grains – dans leur retraite, les pierres se sont serrées, les poutres et solives, au contraire, desserrées sur le ciel, l’image du passé et la voix du présent frisent mutuellement. Re-éclairent.


            La voix lance les mots de l’éveil et de l’accord, par touche, salue tout en gardant les mains en équilibre sur le guidon.


           Préférant écouter, « Dans le retrait des granges » est un livre qui parle peu, ne parlant  que dans l’instant « l’instant préservé qui ne tient que par les planches ».


            Parce qu’écrire et se taire, bien souvent, se touchent.



Mathieu Nuss

Christian Sapin, Dans le retrait des granges, Cheyne éditeur, 64 p., 17€