Carte blanche à Claude Minière, autour de l’édition de “la Divine Comédie” de Dante illustrée par Miquel Barceló


Claude Minière s’attarde sur les aquarelles de Miquel Barceló réalisées pour la traduction de “La Divine Comédie” par Danièle Robert



Les trois centaines d’aquarelles de Miquel Barceló qui accompagnent le texte de La Divine Comédie de Dante Alighieri brillent d’intelligence. Briller n’est pas la qualité attendue de l’aquarelle, mais ces aquarelles-là brillent d’intelligence, et si nous sommes chez Dante les mots n’ont pas toujours le sens habituel. Ou plutôt : ils ont le sens habituel et encore un autre. Le poème de Dante dépasse (c’est le propre de la poésie) le matérialisme et l’idéalisme, le matérialisme de l’explication scientifique de la vision, l’idéalisme de l’ordre cosmique des relations de l’Un et du multiple. Vous voyez ce que je veux dire ? Danièle Robert avait bien su dire comment dans l’œuvre du Florentin se déploie le couple diversité / unité. Ainsi, revenons sur le début du Paradis, où se trouve le moment le plus synthétique des définitions de la lumière selon le poète :


Ainsi dispense aux étoiles sa bonté
l’intelligence et la démultiplie
tout en tournant sur sa propre unité.

La vertu diversifiée s’allie
avec le corps précieux quelle ravive
en s’y liant, comme en vous fait la vie.

De la nature en liesse elle dérive
et ainsi, mêlée au corps, resplendit
comme allégresse dans la pupille vive.

C’est d’elle que vient ce qui différencie
– non du dense et du rare – toute clarté :    
est le principe formel qui produit

l’obscur et le clair, conforme à sa bonté.



Ce ne sont pas la densité ou la rareté des pigments qui apportent à Miquel Barceló sa singulière capacité de différencier l’obscur et la clarté, c’est l’intelligence, c’est un principe formel, conforme à la bonté.

Comparons des époques : La Porte de l’Enfer d’Auguste Rodin manquait totalement de bonté, elle ne dispensait rien aux étoiles. Elle était riche d’inventions plastiques mais, happée par la noirceur d’une époque, son vulgaire expressionnisme, elle n’avait pas l’intelligence de la lumière. Voyez aujourd’hui la liberté des couleurs de l’Enfer de Barceló. La liberté artistique est toujours conforme à l’intelligence de la vie.

Claude Minière
20//10/23

On peut lire ici « Terzina pour Danièle Robert » d’Yves Boudier et y retrouver la référence des trois livres, L’Enfer, Le Purgatoire et Le Paradis.