Pris par “Apné”e, Christophe Esnault mêle délicatement sa voix à celle de Natacha Sillègue et offre ce dialogue à Poesibao.
Natacha Sillègue, Apnée, La nage de l’ourse, 2024, 95p. 15€
Mélancolie, dit-elle
« Je me trouvais devant une porte.
Celle de la fin de mes études d’histoire.
Le début de mes études d’arts.
Celle de mon petit ami que je n’arrivais pas à aimer.
Celle de Jacky, mon premier psychiatre.
Celle de mon cerveau et de toute sa complexité. »
« J’allais vraiment très mal.
Tout doucement j’ai commencé une plongée qui allait durer plus de quinze ans. »
« Nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour sortir en fait de l’enfer. », vous la connaissez cette citation d’Antonin Artaud, certains l’auront peut-être placée en gros caractère devant leur machine à écrire, il y a trente ans.
Un de mes éditeurs n’accepte que les textes contraints, nés d’une urgence, d’une absolue nécessité.
Tout le monde écrit.
« Jusque-là je me contentais d’être heureuse et j’aimais l’étiquette si particulière de rigolote torturée. »
Ai lu les premières pages du livre sur mon banc d’hurluberlu, à côté de l’Eure. En relevant la tête j’ai vu des oiseaux qui traversaient le ciel, et les merveilleux nuages. Devant moi, deux arbres que je croyais de bois secs se sont dotés de verdure ces derniers jours. Parfois on se croit mort, parfois on pense être allé au bout du bout, souvent on se trompe.
Ai pensée qu’il aurait été bête de / l’instant était délicieux. Être vivant, vivante, c’est une surprise et un émerveillement que l’on partage parfois. Au sortir du pire, on peut trouver encore des éditeurs pour prendre soin d’un texte. Couverture à rabat. Délicat contact charnel doux et chaud du papier. Illustration « rigolote ». Tout en élégance.
« J’avais maigri. Perdu bien plus que ce que j’avais pris.
Je ne mangeais plus.
Plus d’appétit.
J’ai commencé un documentaire, caméra au poing.
« Qui croyez-vous que je sois » demandais-je aux quidams.
Imaginez-moi une vie, s’il vous plaît.
Pour donner du sens à ce qui était mon existence, j’avais goulûment, affreusement besoin de l’Autre.
Il en a toujours été ainsi. »
Lit-on pour se lire ?
« Les électrochocs ont effacé des choses éparses, dispersées dans le temps. Étrangement les futilités restent. »
« J’ai oublié Avril aussi.
[…]
Il paraît qu’il faisait très beau. »
Christophe Esnault
Natacha Sillègue, Apnée, La nage de l’ourse, 2024, 95p. 15€