Claude Minière, L’année 2.0


Qu’est-ce qu’une poésie du corps qui se pense, change de position, se déporte, se déplace et fouille le présent et les souvenirs ? Le poème de Claude Minière réagit au présent d’une présence qui mêle des traces de civilisations aux sensations immédiates ; celles entre les siècles et les fleuves et celles qui s’enfoncent dans l’écart de l’écriture, ici et maintenant. Cet art poétique est celui du rassemblement, il intègre, sur la page, tous les calendriers. Du coup, l’espace se colore, de morts et de caresses, de départs et d’arrivées, de désert et d’océan, de pierres et de sable, de saisons, de récoltes et de catastrophes. Tous les empires – comme le pire et le meilleur – se traversent en poèmes d’amour, en poèmes de guerre.

« L’hysope contre la grippe hypnotique
Les gouttes de rimes de pluie
Les champs les sillons l’horizon
Le fond commun l’humus le progrès
Le travail et toute l’administration
Les visages qui passent
La poésie n’est pas prévisible
On ne la voit qu’après
Le naturel est ramené dans la civilisation »

L’écriture, mais en mode mezzo voce, en résonance de tête, cherche et trouve la porte et porte le jour et la nuit, il faut, en effet, qu’entre un et deux, résonne le zéro du néant, creusant ainsi l’intuition d’un Paul Claudel : « Le poème n’est point fait de ces lettres que je plante comme des clous mais du blanc qui reste sur le papier ».
La traversée poétique de Claude Minière est celle de la mobilité et de la gratitude, de l’appel et du rappel, de l’élargissement du souffle et de la voix.
« Je n’ai, à vivre, rien perdu ».

Pascal Boulanger

Claude Minière, L’année 2.0, Tinbad, 2022, 96 p., 15€, parution le 24 novembre 2022.