Yves Bonnefoy, « Œuvres poétiques », lu par François Lallier


François Lallier explore en profondeur ce volume de la Pléiade dédié aux « Œuvres poétiques » d’Yves Bonnefoy (et conçu par lui).


 

Yves Bonnefoy, « Œuvres poétiques », édition établie par Odile Bombarde, Patrick Labarthe, Daniel Lançon, Patrick Née et Jérôme Thélot, avant- propos de Daniel Lançon et Patrick Née, préface de Alain Madelaine-Perdrillat, NRF, Gallimard, 2023, Coll. La Pléiade, 1808 p., 79€ jusqu’au 31 octobre puis 85€


 

Paraît dans La Pléiade le volume des Œuvres poétiques d’Yves Bonnefoy, sept ans après sa disparition, huit ans après qu’il eut lui-même décidé de son contenu et de l’équipe chargée d’en rédiger l’appareil critique – lui confiant l’ensemble, considérable, de ses manuscrits. Ce volume est ainsi non seulement un trésor de documents, mais aussi le dernier livre d’Yves Bonnefoy en matière de poésie, voulu par lui, comme il en a choisi le titre, et le sommaire. Or si nous interrogeons celui-ci, où les titres se succèdent tout naturellement dans l’ordre chronologique, une singularité apparaît : la présence à côté des poèmes, qu’ils soient en vers ou en prose – et particulièrement pour ceux-ci dans la forme nouvelle, aux implications nombreuses, du « récit en rêve » – de textes réflexifs, d’essais, qui auraient pu avoir leur place ailleurs. Un regard second, plus juste, comprend vite que ces textes réflexifs devaient être joints aux poèmes, parce qu’ils en sont parfois très proches dans l’écriture, mais aussi parce qu’ils mettent en évidence une exigence critique qui appartient en propre à la poésie. Peu d’auteurs autant qu’Yves Bonnefoy ont élaboré parallèlement à la création une réflexion critique aussi cohérente et obstinée. Sa présence ici, avec des textes essentiels [1], souligne ce fait que la création comporte plusieurs temps, dont le premier peut être une brusque survenue des mots, accueillie mais échappant en partie à la volonté, et implique un retour sur cette irruption et le sens des mots qu’elle a fait advenir. Ce caractère propre de la poésie chez Yves Bonnefoy se vérifie sur bien des plans, et en particulier concerne la succession des livres de poèmes, dont chacun a sa source pour une part dans celui qui le précède, à cause de la réflexion qu’il impose [2].

La poésie naît avec la force d’une évidence, ou d’une hantise, mais elle s’inquiète de quelque chose d’obscur dans le poème ou la visée du poème, et pour les comprendre et les clarifier elle a recours à cette position critique, qui touche également d’autres poètes, d’autres disciplines de l’art, d’autres savoirs. Ainsi de la réflexion sur l’image, qui, depuis son existence en poésie, ouvre sur la peinture, ainsi qu’en témoignent aussi bien la leçon inaugurale au Collège de France que des récits en rêve comme « La mort du peintre d’icônes » [3], « L’artiste du dernier jour » [4], l’ensemble des poèmes en prose inspirés par la tradition des raisins de Zeuxis [5], ou, dans le même livre, le grand poème en vers sur Hélène de Troie, « De vent et de fumée ». Un autre Pléiade souhaitable, consacré aux grands livres critiques d’Yves Bonnefoy, montrerait à quel degré d’efficacité ont pu se porter des analyses ayant pour source la poésie : sur Rimbaud, Mallarmé, Baudelaire (dont il a renouvelé la vision à la suite de Jouve, de Gaëtan Picon, de Claude Pichois), mais aussi Poussin, Giacometti, Goya. Mais avec ces Œuvres poétiques, nous sommes au plus près de la source, où les deux courants, s’ils se distinguent, ne le font qu’à l’intérieur d’un même projet, d’une même intention de sens, qui prend le nom de poésie. Poésie par le vers et la strophe, où le sens s’inscrit dans le langage à travers le toucher harmonique et rythmique, poésie par le mythe ou le récit librement conduit sous la « guise » du rêve, poésie enfin par l’effort spéculaire d’une réflexion consubstantielle à l’intention de sens, et qui sait se maintenir jusque dans l’abstraction de la théorie – distincte du concept, si elle en use nécessairement.

Tels sont les trois pôles que l’on distingue dans l’ordre des écrits rassemblés. Mais cette répartition connaît d’autres nuances. Ainsi, le pôle des « récits en rêve » apparaît d’abord en sous-titre (« Récits en rêve I ») de Rue traversière (1977), dans un ensemble allant de L’Arrière-Pays (1972) à Ce qui fut sans lumière (1987). Le sous-titre « Récits en rêve I » sera suivi d’un Récits en rêves 2, mais, par l’emploi de l’italique cette section fait pendant aux Textes 1951-1967, qui ponctuent un premier ensemble arrêté à Pierre écrite (1965). Enfin se retrouve, en sous-titre de La Vie errante (1993), « Récits en rêve 3 », au milieu d’un dernier ensemble allant de Là où retombe la flèche(1988) jusqu’à L’Écharpe rouge (2016),  ponctué par Textes 2000-2016 [6] avant Traductions et Appendices.

Il faut garder à l’esprit que ce regroupement exprime la volonté d’Yves Bonnefoy lui-même, raison pour laquelle il faut l’interroger avec précision, pour marquer aussi la division qu’il suggère entre ce qu’on pourrait appeler, en empruntant à l’un de ses titres, des « époques de l’écriture ». Trois se détachent, nous l’avons déjà entrevu, la première allant des premiers écrits (depuis Le cœur-espace, 1945 [7]), jusqu’à Pierre écrite, la seconde allant de L’arrière-pays (1972) à Ce qui fut sans lumière (1987), et la troisième de Là où retombe la flèche (1988) à L’Écharpe rouge, le dernier livre. Cette répartition conduit alors à interroger la relation entre chaque partie, et de façon sous-jacente, l’importance qu’il faut leur accorder dans la compréhension, sinon l’interprétation, de l’ensemble de cette œuvre immense. Interrogation d’une importance particulière du fait qu’elle porte non seulement sur le processus de création, mais aussi sur son auto-compréhension – chaque livre interagissant avec ceux qui le précèdent, et l’invention, la novation – comme les récits en rêve – se révélant après-coup prendre place dans une continuité qu’elle modifie. La poésie d’Yves Bonnefoy comprend sa recherche, son existence même, comme non seulement la faculté de produire l’objet-poème, mais aussi le besoin de comprendre dans cet objet, outre ses significations, les étagements d’un sens qui les déborde. Un « je » plus vaste et plus libre que le « moi » posé par cet objet s’y manifeste : plus libre, car plus conscient de soi, et disponible pour une approche du monde et d’autrui, la seule où s’éprouve la « vérité de parole ». Ce n’est donc pas seulement un goût pour l’analyse, une aptitude hors pair pour la pensée en son endurance même, qui a conduit Yves Bonnefoy à écrire une somme considérable de textes théoriques sur la poésie. C’est l’acte même de la poésie qui se joue en eux, tout comme ils sont nourris par le poème, et suivent son évolution. Il en résulte la difficulté, bien identifiée par les critiques, et en particulier ceux qui, à la demande d’Yves Bonnefoy, ont préparé l’appareil scientifique très averti de ce volume, d’aider à la compréhension de textes dont l’auteur a lui-même construit une théorie critique de la poésie,  ayant par ailleurs connu diverses époques et des évolutions, comme les poèmes et récits auxquels par ailleurs elle sera de plus en plus mêlée.

Mais le présent volume des Œuvres poétiques, tel qu’il a été conçu, efface cette difficulté en même temps qu’il la fait voir dans son ampleur définitive, et c’est pourquoi il apparaîtra bientôt qu’il est l’instrument indispensable. C’est qu’aux « époques de l’écriture » qu’on peut distinguer correspondent des points de vue qu’il est d’autant plus loisible à chaque critique d’adopter qu’elles ont entre elles les liens que nous avons dits, de sorte qu’on peut mettre l’accent sur des traits propres à l’une et les apercevoir dans les autres, à d’autres stades de leur maturation, retrouvant dans la diversité parfois surprenante de cette œuvre considérable l’unité profonde qu’elle a voulue. Hors toute prétention à faire le compte des lectures possibles, quelques-unes sont discernables. L’une est celle qui fait porter l’accent sur le thème du conflit entre l’ici et l’ailleurs, tel qu’il est formulé par L’Arrière-pays. Aucun livre plus central, en effet, puisque il marque la fin du premier ensemble, et le début du second (selon le sommaire décrit plus haut), et qu’il constitue la première étape de cette auto-analyse de la poésie qui sera l’un des objets majeurs de la dernière partie de l’œuvre, en même temps qu’un précurseur des récits en rêve [8]. L’Arrière-pays parle d’abord du sentiment de l’ailleurs, dans une expérience qui conduit aussi bien à l’enfance qu’aux images – celles de la peinture, qui avait été son premier objet. Et si ce sentiment, désir ou appel, est tenu pour un leurre, c’est qu’il contredit le besoin de présence, qui s’en tient à l’ici, au maintenant, motif conducteur de la pensée dans les trois premiers livres de poèmes, jusqu’à Pierre écrite. Dès lors en effet une lecture rétrospective est possible de ces livres, un retour sur le sens mystérieux d’une violence qui paraît dans leurs images, associée à la quête de la présence, mais assombrie du fait de n’illuminer que le langage. Et à partir d’elle, on pourra s’orienter vers le tropisme – en vérité très ancien – qui a conduit Yves Bonnefoy à porter la question de l’image et de la présence [9] au cœur même de la peinture – un grand nombre de récits en rêve concernent d’une façon ou d’une autre la peinture, et bien des poèmes pouvant se comprendre comme si le poète s’était voulu un peintre, un peintre d’aujourd’hui, comme il aimait les rencontrer. Mais aussi vers le souci qu’il a eu, très tôt, et d’abord dans un texte sur Jouve, en 1972, de l’inconscient, cet autre dimension de l’esprit qui agit, précisément, dans l’image, pour y faire droit à des signes qui parlent d’autre chose que des situations qu’ils dépeignent, introduisant des distorsions séduisantes, et ce qu’il a nommé, à propos de Baudelaire, la « tentation de l’oubli ». La poésie, dès lors, doit se vouer à éclairer cet inconscient source de sa force comme de ses leurres, et c’est en effet une des directions majeures de la dernière partie de l’œuvre poétique, depuis Les planches courbes jusqu’à L’Écharpe rouge, allant très loin dans cette démarche difficile, sans que rien ne soit ôté à la force des représentations ou de la voix [10].

Une autre direction de lecture pourra être la réflexion sur le langage, en tant non seulement qu’il se prête à l’occultation de la présence dans le concep t[11], mais qu’il favorise également les substituts à la présence que sont images et rêves, avec la violence des pulsions qu’ils expriment et dissimulent. C’est le défi que doit relever la poésie : confier au langage l’évidence qu’elle a perçue, alors même qu’il ne peut que la travestir, du fait même de l’emploi des signes, et travestir en même temps cette violence. De cette double contrainte naît sans aucun doute la force inouïe des premiers poèmes, leur puissance à concrétiser dans une langue neuve un monde inconnu, aux assises durables pour l’esprit, mais soumis à l’inquiétude que traduit l’exergue choisi par Bonnefoy pour son deuxième livre : « Tu veux un monde, dit Diotima, c’est pourquoi tu as tout, et tu n’as rien ». De fait, une violence est présente dans les premiers livre, dans L’Ordalie, dans Du mouvement et de l’immobilité de Douve, violence sacrificielle dont le moteur gît dans l’exaspération du conflit entre un idéalisme du langage et de la forme, et le besoin de réalité « là où la vie a son lieu », qui cherche autant la matière que la lumière. La mort y est interrogée, dans une sorte de guerre spirituelle où s’exposent ses deux dimensions, de violence mais aussi de dévoilement de la finitude, qui l’emportera dans les deux livres suivants Hier régnant désert, puis Pierre écrite [12].

Mais demeure la question du langage et du conflit avec la présence. Une des voies de sa résolution est cette « conscience de soi de la poésie » qui se manifeste très tôt, et devient pleinement visible dans les pages de Dans le leurre du seuil, où transparaît presque sans filtre la figure du poète au travail, triant sur sa table les mots obscurs, à la recherche d’un sens qui soit une trouée vers le dehors, par-delà les significations infinies. Elle s’accompagne d’un abaissement du langage, d’une réduction de l’emprise des signes, sensible à l’importance corrélative que prend en lui, à travers les images toujours vives mais toujours plus simples, la part purement sonore des mots, la voix, elle-même tout près d’être une matière à l’égal de la pierre, de l’herbe, des nuages, d’être le medium utopique d’une écriture délivrée. Cette voix, si radicalement simple [13] qu’elle peut bien être parfois inaudible, domine dans Début et fin de la neige (mais c’est elle qui parlait déjà dans certains poèmes de Pierre écrite, certaines pages de Dans le leurre du seuil) et elle pourrait être l’ultime moment d’une sorte d’abaissement ou de kénose du langage, pour ouvrir non seulement à l’intensité de la présence, mais à autrui, qui en est la clé : appelant la parole plutôt que la langue, de sorte que la violence poétique sera progressivement remplacée par la compassion – qui comprend l’amour. Jusqu’où aller dans cette mise en cause des mots ? La question demeure, mais il est évident qu’elle domine de son paradoxe fécond (en ce sens que le poète déploie tout son savoir d’écrivain à se frayer cette voie entre langue et parole) toute la dernière partie de l’œuvre, et particulièrement les « récits en rêve » où se déploie une grande imagination concernant des utopies du langage.
Deux, trois approches, donc, parmi d’autres possibles, mais qui peuvent se rejoindre, la kénose du langage allant en direction de l’enfance (où l’être doit se déterminer sans la parole, ou sans le pouvoir de la parole), et ouvre à un retour nécessaire sur le moment où est née la conscience d’un rapport entre les mots et les choses, lequel doit explorer, du point de vue de la poésie, avec toute la responsabilité qu’elle implique, ce qui dans la construction de ce rapport est resté inconscient. Toute la dernière partie de l’œuvre d’Yves Bonnefoy est occupée de ce retour, dans le cours duquel avec une grande unité, une sagesse, poèmes, essais, réponses à des questions qu’on n’aura pas cessé de lui poser, récits, finissent par former un tissu de pensées et de formes qu’on peut bien dire une « robe sans couture » : La maison natale, dans les Planches courbes (2001), Raturer outre, dans L’heure présente (2011), Perambulans in noctem, dans Ensemble encore (2016), et l’ultime Écharpe rouge en seraient les étapes les plus marquantes.

Chacun pourra dans ces Œuvres poétiques, désormais référence unique, faire le choix d’un parcours, et pourra constater avec quelle persévérance il a décliné sous des formes parfois diverses sa pensée la plus constante, sur la présence, sur l’Un, l’Indéfait, la compassion, l’enfance, ou la difficile éthique de l’artiste. S’il fallait choisir le lieu où il a exprimé l’essentiel de la façon la plus synthétique et complète, je me risquerais à proposer trois textes, dont aucun n’est à proprement parler un poème, mais qui expriment la visée même de la poésie : unir le langage – la parole – au monde, en sa matérialité la plus irréductible, faire que le signe s’approche au plus près de la matière jusqu’au point où il s’efface, la désignant comme autre, mais réduisant à presque rien l’ailleurs qui la fait autre. Trois textes qui seraient l’instrument d’une méthode, s’il en faut une, pour lire Yves Bonnefoy, en se laissant aller à l’intensité même, à l’enchantement de son art, sans se perdre jamais que provisoirement dans le labyrinthe qu’il semble être, par son envergure et par la multiplicité de ses embranchements. Deux appartiennent à la section Récits en rêve 2, à peu près au milieu du volume : Le Peintre dont l’ombre est le voyageur, et Sur de grands cercles de pierre. Le troisième est Le Lieu d’herbes, le lac au loin, dans la dernière partie. Le premier rêve d’un peintre de paysages qui changerait de lieu pour que ses images ne puissent totaliser le monde mais soient mises à l’épreuve du hasard. Le second regarde dans la pierre déserte de tout signe, hormis l’ornement qui la désigne comme telle, et y voit l’équivalent du mot le plus vide, « dieu », mais dont l’appel est le plus fort. Le troisième parle de l’ici absolu, sans ailleurs, qui serait donc le lieu de la présence, le « vrai lieu ». Mais c’est par le fait d’une vision, récurrente depuis presque toujours, qui lui vient, dit Yves Bonnefoy, quand il ferme les yeux, très concrète pourtant : des herbes hautes entre des murs ruinés, où il y a des pierres. La seule raison possible de cette vision, une image, mais sentie comme le réel le plus réel, c’est qu’elle vient de l’enfance. Du temps où a été perçu l’« Un », l’ « Indéfait », qui traverse les fragmentations du langage, débordant aussi bien les signes que la matière dont ils sont faits, où ils s’inscrivent : clou planté dans le plâtre d’un mur, ou enveloppement des lignes et des couleurs, à l’horizon de la beauté absolue [14]. Là encore, les chemins d’une œuvre immense se croisent ; et on peut y commencer la grande lecture que promet et permet ce nouveau volume.

François Lallier


[1] « L’Acte et le lieu de la poésie » (1954), « La présence et l’image » (1981), par exemple.

[2] Rien ne le montre mieux que la relation entre Dans le leurre du seuil et Ce qui fut sans lumière, mais c’est aussi le cas pour le passage de Du mouvement et de l’immobilité de Douve à Hier régnant désert.

[3] Dans « Remarques sur la couleur », Récits en rêve 2, 1987.

[4] Ibid.

[5] « Les raisins de Zeuxis », « Encore les raisins de Zeuxis», « Derniers raisins de Zeuxis », dans La Vie errante, 1993.

[6] Le grand espace de temps entre 1967 et 2000, concernant les Textes, montre assez bien comment la réflexion s’est partagée, dans cette période, entre les grands livres d’historien et de critique, et les récits en rêve, ou les poèmes.

[7] Revu en 1961.

[8] Le texte de L’Arrière-Pays, repris sans les images, constitue la première partie du volume Récits en rêve, Mercure de France, 1987.

[9] C’est le titre de la leçon inaugurale au Collège de France, qu’on ne s’étonne donc pas de trouver dans cette seconde partie, au même titre que Rue traversière ou Ce qui fut sans lumière.

[10] Patrick Née est le critique qui a suivi le plus loin cette direction, allant de la question du lieu à celle de l’ailleurs et de l’image, puis de l’inconscient. Citons La Poétique du lieu dans l’œuvre d’Yves Bonnefoy, ou Moïse sauvé P.U.F.,1999, Yves Bonnefoy penseur de l’image, ou les Travaux de Zeuxis, Gallimard, 2006, et Zeuxis auto-analyste : inconscient et création chez Yves Bonnefoy, Bruxelles, La lettre volée, 2006.

[11] Car s’il est vrai, comme le dit Roger Munier dans la première phrase de L’Instant que : « La présence disparaît. », il faut ajouter qu’elle disparaît de façon privilégiée dans le langage.

[12] Avant que L’Ordalie, précisément, ne « revienne », par le biais d’un manuscrit retrouvé en 1967. Évoqué dans L’Arrière-pays, ce texte fondateur fait donc aussi le lien avec la deuxième époque, en sa réflexion sur l’image et l’ailleurs. La réflexion sur la violence a été particulièrement explorée et illustrée par Jérôme Thélot, dans Poétique d’Yves Bonnefoy, Droz, 1983. Il faut de ce critique citer également Baudelaire, violence et poésie, Gallimard, 1993. Son étude de la violence sacrificielle dans l’art l’a conduit à interroger, plus récemment, la peinture.

[13] Une autre grande direction de lecture a été donnée par Michèle Finck dans son livre, Yves Bonnefoy : le simple et le sens, Corti, 1989. A partir de quoi elle a développé une recherche sur la poésie et la musique, qui touche au plus profond de la manière dont Bonnefoy confie à l’être sonore d’effacer dans les mots ce qui occulte le simple.

[14] Je pense à la Madona del Parto de Piero della Francesca, dans l’évocation qu’en fait Andreï Tarkovski dans Nostalghia, film où se trouvent un nombre étonnant d’autres signes qui rappellent Bonnefoy : ainsi le clou dans le mur de plâtre délabré, le livre qui brûle, l’Italie centrale. On peut penser aussi à La Flagellation du Christ à Urbino.