Jacques Ancet, « Le Ciel sur la vitre », extraits


Quatre poèmes extraits du livre de Jacques Ancet, Le Ciel sur le vitre, paru tout récemment aux éditions Le Réalgar


 

Jacques Ancet, « le Ciel sur la vitre », peintures de Guy Calamusa, Le Réalgar, coll. L’Orpiment, 2023, 48 p., 15€



Je ne sais plus dire le printemps.
A vrai dire je ne sais plus
rien dire. Tout bouge trop, s’en va
trop vite, les ombres, les fleurs,
les pétales, les bourres en dérive.
en même temps tout vient si vite,
l’herbe drue, les feuillages, le ciel
plus profond, comme si quelque chose
ou quelqu’un était là m’attendre


Mais personne. Sauf une beauté
perdue, un lointain travail d’oubli.
On voit dans les fleurs venir l’obscur
comme une sorte de contrejour
où les choses perdent leur visage.
On entend murmure une voix
qu’on reconnaît à peine. S’en va-t-elle
ou s’approche-t-elle ? On ne sait pas
Elle est là, c’est tout. A-t-elle un nom ?
(pp. 14-15)



On quitte sur le champ la lumière
rasante, le fourmillement clair,
ce qui recommence, la fraîcheur
du jour qui vient. On quitte le temps
des oiseaux, celui de la beauté
qu’on ne peut pas quitter mais quand même
qu’on quitte, d’un printemps révolu :
on l’a au bord des yeux qui regardent.
Que voient-ils ? On cesse de compter


Partout l’herbe du pré scintillait,
la clôture luisait : qui était-ce ?
vols brefs, deux tourterelles, une attente
de lumière, l’éblouissement
sur la face tournée vers le ciel,
une neige comme suspendue,
une vapeur de poussière bleue
rayée de cris. Et puis quoi ? Muette
la voix répétait : c’est le printemps
(pp. 42 et 43)

Jacques Ancet, le Ciel sur la vitre, peintures de Guy Calamusa, Le Réalgar, coll. L’Orpiment, 2023, 48 p., 15€