Alain Lance a composé pour Poesibao cette page d’anthologie permanente à partir de plusieurs poèmes du poète iranien Chams Langaroudi.
Chams Langaroudi, Les cendres de l’envol, Po&psy princeps, 2024, 76 p., 15€
Chams Langaroudi est l’une des figures les plus importantes de la littérature iranienne contemporaine. Né en 1950 au bord de la mer Caspienne, il vit à Téhéran.
Il a notamment publié 15 recueils de poésie entre 1976 et 2021 et plusieurs ouvrages su l’histoire de la poésie moderne en Iran. Au moment de la révolution islamique, il fut, comme nombre d’écrivains et artistes, la cible de persécutions variées.
Farideh Rava vient de publier ses traductions les cendres de l’envol aux éditions érès. Peinture de Valérie Buffetaud. C’est une édition bilingue, français et persan.
comme un oiseau joyeux je m’éveille
je ne sais plus comment je m’appelle
où je suis
ni ce que je veux
mais je sais une chose
c’est une aube de printemps
et l’étendue du ciel
est à l’aune de la force de mes ailes
à l’aune de l’ampleur de mon élan
*
sur le kiosque à journaux
la pluie
tombe en alphabet
j’aime
prendre entre mes dents
quelques lettres et une fleur
et t’attendre
la pluie du soir
musicale et sans fin
tombe
tombe
tombe
et toi
tu es en retard
les fleurs
comme des oiseaux pris au piège
tremblent dans ma paume
tu ne viendras pas
ce poème
est l’histoire d’un oiseau
qui n’a pas d’ailes
pour s’envoler
*
si ces poèmes suent le silence
c’est de l’absence de tes lèvres
les mots
tels les grillons desséchés de l’été
sont vides de sens
et ils attendent des fourmis
pour déverser leur provision d’hiver
dans quelque trou obscur
comme le chagrin qui coule
dans ma poitrine silencieuse
*
je peux écrire des poèmes
avec un cœur
où courent des biches décapitées
rendez-moi mes rêves
mon papier
mon crayon
la jeunesse de mes doigts
et dites-moi
comment s’écrit mon nom
dans votre prison
j’ai oublié les lettres de l’alphabet
*
feuilles d’automne
dans le ciel brouillé et maussade
feuilles d’automne
soldats blessés
qui tombent à genoux
feuilles d’automne
vent noir soufflant humide
soldats décapités
terrifiés atterrés
qui se relèvent se précipitent
dans le néant
feuilles d’automne
*
ce long chemin
enfant je croyais
que le bout de la terre
se trouvait là-bas
près du ciel
et que si je marchais pendant quelques jours
j’arriverais au bout de la Terre
aujourd’hui
je me sens au bord du précipice
quand donc ai-je parcouru ce long chemin ?
*
solitude, neige, solitude, silence
avec des cailloux qui ont tué les oiseaux
ils ont fait de moi une statue
*
où se trouve le nid des vents
quand ils ne sont pas dans le ciel ?
Que font-ils toute la journée ?
Ils passent la nuit à balayer mes rêves
*
abîme
pieds nus ronces poussière
étang mortel contrée étouffée
ô soleil rouge de la liberté
lève-toi !